Au cœur des années 90, alors que ma consommation frénétique de productions néo-progressives m'amenait à vouloir faire découvrir au plus grand nombre les pépites trouvées dans ce domaine musical, je me faisais la réflexion de savoir quel groupe, ou encore quel titre, serait vraiment représentatif de ce courant, et serait à même de servir de vecteur pour une croisade d'évangélisation des masses ignorantes du bonheur ressenti à l'écoute de ces merveilles. A l'époque, la réponse m'apparut évidente … et je dois avouer que près de 20 ans plus tard, même en ayant remisé mes rêves d'une diffusion plus étendue de la musique progressive, The Killing Silence arrive toujours dans le trio de tête de cette réflexion.
Prenez donc les 16 minutes et quelques du titre phare du deuxième album d'Egdon Heath, Take A Deep Breath And … Enjoy !. Construit comme une symphonie, avec des thèmes récurrents qui se croisent tout du long des différentes parties, des instruments qui dialoguent et se répondent, ce morceau épic résume à lui seul tous les attraits du néo-progressif. De plus, la formation batave a gommé les défauts qui parsemaient son premier album, et la production aux petits oignons offre un son énorme, permettant de saisir tous les détails, en mettant notamment en avant la batterie et les percussions qui donnent toute sa couleur à l'espace sonore proposé par le groupe.
Au-delà de ce titre monumental, The Killing Silence – l'album – nous offre d'autres compositions soignées qui, plutôt que de souffrir de la comparaison, préparent le terrain (No Second Faust) ou poursuivent le rêve (Stand Straight) : comme pour le premier album du groupe, ces différentes plages sont construites autour de mélodies soignées, proposant la plupart du temps rebondissements mélodiques et instrumentaux (Waiting For The Outburst), le tout servi avec quelques ingrédients progressifs traditionnels. Les claviers mènent toujours la danse, mais cette fois-ci bien secondés par la batterie, et cela sans écraser les autres instruments qui tirent leur épingle du jeu sans problème. Et comme le chant s'est également amélioré, nous nous trouvons en présence d'un album plaisant de bout en bout.
Aboutissement de la démarche entreprise sur In The City, The Killing Silence reste, 20 années après sa parution initiale, un album d'une force incroyable, indispensable à tout amateur de néo-progressif, mais également pour tous ceux qui ne voudraient pas passer à côté de (au moins !) 16 minutes de bonheur auditif absolu. Peut-on se refuser une telle chose par les temps qui courent ?