Surfant sur la vague néo-progressive qui déferle dans cette première moitié des années 90, soutenue par quelques labels en pointe, et notamment les Néerlandais de SI Music, Egdon Heath publie en 1993 son troisième album, Him, The Snake And I. Proposant des chansons au format plus ramassé que sur leur précédent opus, probablement avec une vision 'commerciale' plus ambitieuse, le quintet hollandais fait également quelque peu évoluer le 'symphonisme' qui accompagnait une grande partie de The Killing Silence, pour délivrer des mélodies plus complexes, aux accompagnements passant sans vergogne d'une dissonance assumée à des accords majeurs salvateurs.
Bien loin des canons harmoniques traditionnellement enseignés dans les conservatoires, cette manière de composer pourra quelque peu dérouter l'auditeur novice en la matière, tandis que l'amateur de progressif y trouvera largement son compte. La voix particulière de Maurist Kalsbeek vient renforcer cette impression, mais se trouve bien soutenue par une instrumentation solide et des claviers néo en diable (ces derniers ignorant comme à l'accoutumée les vocables de Mellotron ou Moog). L'ensemble offre ainsi un rendu puissant, mis d'autant plus en valeur par une production sans faille, accouchant de quelques titres mémorables.
Gringo et son entame symphonique servie par un son puissant, va ainsi longtemps trotter dans la tête de l'auditeur, tandis qu'à l'opposé, le plus sybillin Slightly In Despair va dérouler son fil et tisser progressivement une toile enchantée dont il sera difficile de se dépêtrer. Pas de temps faible durant les huit titres proposés, même si l'on regrettera par moment un manque de souffle épique, éléments que l'album précédent avait su apporter. Mais l'époque et le contexte n'étant plus les mêmes, ceci explique cela.
Album solide, Him, The Snake And I reste toujours d'actualité, et ce près de 20 ans après sa parution. Sans fioriture et ne dédaignant pas son appartenance au mouvement néo-progressif, Egdon Heath assume ainsi son souci de modernité, la dosant avec justesse aux 'codes progressifs' qui sous-tendent leur musique (ce qu'ils réussiront beaucoup moins bien avec Nebula, leur quatrième et dernier album).