En 1921, contre toute attente, alors qu'on le croyait perdu en mer, le capitaine Walker rentre chez lui et trouve sa femme avec son amant. Ce que fait le capitaine n'est pas dit dans la chanson, mais Tommy, âgé de 10 ans et qui est né alors que son père était loin du foyer, assiste à la scène. Mr et Mrs Walker assènent à l'enfant : "Tu n'as rien vu, tu n'as rien entendu et tu ne diras jamais rien de cela.", tant et si bien que Tommy s'enferme dans le monde du silence et de la nuit. Aveugle, sourd et muet, le jeune Tommy ne perçoit que son reflet dans un miroir et développe une grande dextérité au flipper. Tous les remèdes médicaux, spirituels, drogues, sexe, ne sauront sortir Tommy de son enfermement. Tommy créé des émules et nait une nouvelle religion qui adule le nouveau messie. Il faudra que sa mère brise le miroir pour qu'enfin Tommy soit libéré des chaînes qui l'entravaient dans sa réclusion et puisse enfin clamer à la face du monde : "I'm free !!!".
Sorti en 1969, "Tommy" reste une œuvre majeure dans le monde du rock : elle conférera aux Who et à son créateur, Pete Townsend, un statut de légende. En 69, le chant du bel éphèbe Daltrey, les moulinets rageurs de Townsend sur sa Gibson, les vrombissements de la basse d'Entwistle et la frappe démoniaque de Moon feront les grandes heures du festival de Woodstock. Les titres tels que "Pinball Wizard", "I'm Free", "We're Not Gonna Take It" deviendront des hits incontournables. Suivront de nombreuses représentations de l'opéra avec de multiples interprètes invités jusqu'à ce que Pete Townsend réalise en 1972 son rêve ultime, l'interprétation de "Tommy" par le London Symphony Orchestra, mais cela fera l'objet d'une prochaine chronique....
Que dire de plus de cet album devenu mythique ? L'histoire quelque peu loufoque de Tommy sera un vecteur de succès sans précédent pour le quatuor anglais. Le génie créateur et le jeu de guitare si typique de Townsend, la basse chirurgicale d'Entwistle sur fond de percussions surréalistes du batteur fou Moon, au service du chant puissant de Daltrey à la longue crinière blonde et frisée, portent ce scénario comme un hymne à la liberté. "Tommy" s'écoute sans pause de la première à la dernière note, le livret à la main, de la première phrase "Captain Walker didn't come home." jusqu'à la finale "From you I get the story.". Les rencontres improbables du jeune héros avec un cousin cruel, un oncle pédophile ou une gitane qui guérit en faisant l'amour, sont autant de prétextes à des compositions résolument rock et définitivement incontournables.