Dernier album de la période Walsh de Kansas, “Always Never The Same” se rapproche du line-up original du groupe avec le retour de Robby Steinhardt au violon et au micro. Ce n’est pas à proprement parler une création, mais plutôt une compil’ de titres anciens arrangés pour un orchestre symphonique (ici, le London Symphony Orchestra), pour des titres imaginés entre 1975 à 1980. Histoire d’appâter le chaland, Steve Walsh a choisi d’intégrer trois compositions originales (‘In Your Eyes’, ‘’The Sky Is Falling’ et ‘Need To Know’), une compil' dans la compil’ (‘Prélude & Introduction’, empilage de plusieurs titres de Kansas), auxquels il faut ajouter une pièce symphonique imaginée par le chef d’orchestre Larry Baird (un morceau un peu hors-sujet ici !), et l’inattendu ‘Eleanor Rigby’ des Beatles, dans une version sans grand intérêt.
Faisons tout de suite un sort aux morceaux originaux : ‘In Your Eyes’ est dégoulinant de fioritures orchestrales, et avec ‘Need To Know’, Steve Walsh s’est fait plaisir avec une compo très mineure mais qui lui donne l’occasion de se mettre vocalement en vedette devant un gros orchestre. ‘The Sky Is Falling’ a bien plus de tenue, mais l’orchestration très péplum et les collages très improbables torpillent le morceau en le faisant verser dans le kitsch teinté de rose bonbon, alors que sa base est un boogie, un genre qui à priori s’affuble mal de la lourdeur du symphonisme : qu’aurait donné ce morceau avec le simple groupe ?
Pour le fan, l’intérêt de l’album tient surtout dans la question de savoir comment Kansas arrive à transformer les titres pour les mettre à la sauce symphonique, un pari très risqué et que beaucoup de groupes, et non des moindres, ont perdu avant eux. C’est que les pièges sont multiples, et Kansas va y tomber à plusieurs reprises.
Premier piège : le manque de simplicité. Des titres comme ‘Dust In The Wind’ ou ‘The Wall’ doivent leur réussite à une certaine économie de moyens, ici totalement étouffée par l’emphase orchestrale. Les titres plus symphoniques se prêtent évidemment mieux aux arrangements orchestraux.
Deuxième piège, qui est l’exagération du premier : la surcharge orchestrale. L’ouverture de ‘The Sky Is Falling’ ou la fin de ‘The Wall’ sont à ce sujet plus que démonstratifs, avec ces gros effets - gongs, cuivres tonitruants, timbales guerrières - qui sonnent vite ringard.
Troisième piège : pour tenir face à l’orchestre, il faut des vocalistes très solides. Et force est de reconnaître que Steve Walsh n’est plus ce qu’il était : avec un timbre beaucoup moins clair qu’auparavant et de sérieuses limitations dans les aiguës, il en est réduit à faire des tonnes sur l’interprétation (‘Hold On’, très sur joué et amputé de son instrumental à la guitare), ce qui est regrettable.
Heureusement, les compositions de Kansas qui étaient déjà symphoniques arrivent à passer la rampe : ‘Song For America’, ‘Miracles Out Of Nowhere’ et surtout ‘Cheyenne Anthem’ ont tout de même de la gueule, même si l’arrangement orchestral étouffe quelque peu le dynamisme des compositions originales.
L’écoute de ce “Always Never The Same” donne une furieuse envie de se replonger avec hâte et délectation dans les morceaux originaux. A vouloir se faire plaisir en versant dans la mode de la démesure, Kansas a ici la plupart du temps perdu son âme, celle d’un groupe de rock progressif.