Avec son précédent album, "Lichtgestalt", Lacrimosa semblait aborder un tournant en s'éloignant des structures empruntées à la musique classique de ses dernières œuvres pour revenir à un hard-rock plus costaud. "Sehnsucht" enfonce un peu plus le clou et il serait difficile de justifier à l'écoute de cet album une quelconque référence au divin Mozart comme nous l'avions fait par le passé.
Premier constat, visuel : les titres sont sensiblement plus courts, le plus long, 'Koma', n'atteignant pas les dix minutes, là où chaque album précédent y allait de son épopée lyrique d'un quart d'heure. Deuxième constat, auditif : guitares et batterie prédominent, le Spielman-Schnyder Philarmonie Orchestra servant pratiquement de faire-valoir sur l'ensemble de titres dépouillés de leurs teintes classiques au profit d'un hard-rock bien plus direct.
Bien que simplifiée, la musique n'en demeure pas moins d'une étrange originalité distillant avec délectation ses effluves maléfiques pour créer un subtil sentiment de malaise et d'angoisse. Si 'I Lost My Star In Krasnodar', 'Der Tote Winkel' ou 'Koma' se distinguent surtout par la lourdeur de leurs riffs, 'Mandira Nabula', dans un style voisin, crée le contraste entre sa mélodie entrainante mais légèrement bancale et la voix death de Tilo Wolff. Ce sont les chœurs d'enfants chantés d'une voix blanche, glaçante, mélangées à d'autres chœurs gothiques et aux hurlements de dément de Tilo qui donnent son caractère envoutant à 'Feuer'. 'Die Sehnsucht In Mir' rappelle les albums passés par son alternance d'intermèdes baroques et de riffs soutenus et prouve, si besoin était, que la veine compositrice de Tilo Wolff ne s'est pas tarie, les instruments se croisant dans une musique riche où instants intenses succèdent aux passages plus doux.
Ceux qui appréciaient les tendances classiques du groupe trouveront certainement leur bonheur à l'écoute de 'Die Taube', le seul titre de l'album où l'orchestre s'épanouisse réellement en d'amples mouvements symphoniques au côté d'un piano et d'une trompette funèbres. Le chant malheureux, désespéré de Tilo Wolff semble résonner dans la solitude d'un palais désert. Autre titre tout aussi déchirant, 'A.u.S' est pourtant loin des envolées lyriques et classiques. Un synthé minimaliste, une voix d'outre-tombe, quelques violons suffisent pour donner l'impression qu'il s'agit de la BO d'un film noir.
'Sehnsucht' s'avère au final assez varié. L'utilisation d'instruments solistes exogènes (accordéon, trompette, clarinette, hautbois) et d'une grande diversité de chants, bien plus présents sur ce disque que sur ses prédécesseurs, en est en grande partie responsable. Cependant, tous ceux qui suivent ce groupe depuis assez longtemps pourront être surpris, voire regretter la quasi disparition de la parure classique qui semblait faire partie intégrante de la musique de Lacrimosa.