Le premier contact avec ce nouvel album de Mastodon est cette pochette envoûtante, qui évoque le mouvement et la rage. Avec Crack the Skye, beaucoup avaient prédit une stagnation dans la créativité du groupe et surtout une inertie dans leur capacité à surprendre. Ce cinquième album du combo d’Atlanta est l’occasion de quelques nouveautés dans la composition et l’interprétation des chansons puisque le batteur Brann Dailor y tient une place plus importante. La seconde nouveauté est l’abandon aux références élémentaires qui donnaient un côté conceptuel aux autres albums du groupe. Il en résulte un disque plus immédiat et accessible que ses aînés, avec moins de constructions progressives et moins de brutalité.
The Hunter marque une évolution déjà initiée par Crack The Skye avec toujours plus de mélodie et une technique mieux distillée au sein des morceaux. Signe qui ne trompe pas, seul le dernier titre de l’album dépasse les cinq minutes alors que Mastodon était coutumier de morceaux beaucoup plus longs. The Hunter est un pur disque de métal aux nombreuses atmosphères psychédéliques, riche et plein de finesse. La rage se retrouve dans les riffs pachydermiques, héritage des racines sludge et stoner du groupe, et dans les vocaux encore plus travaillés que par le passé.
Les apparences sont trompeuses avec ce disque bien plus fouillé que les impressions des premières écoutes ne le laissent penser. Le premier titre "Black Tongue" est un prodrome ultra rentre-dedans (je conseille la vidéo du titre qui met en scène la confection de la sculpture de la pochette) qui indique que Mastodon a épuré ses morceaux. S'il n’y a aucun titre faible, quelques-uns se démarquent malgré tout. Au milieu de morceaux rageurs comme "Basteroid" et "Spectrelight" on trouve des plages plus atmosphériques et psychédéliques ("Stargasm" ou "Creature Lives"), jusqu’à la poignante ballade "The Sparrow". La combinaison des trois chanteurs (Hinds, Sanders et Dailor) offre une diversité que l’on ne retrouve que chez peu de groupe et les chœurs sont extrêmement bien travaillés.
Pour chaque grand disque il y a des morceaux destinés à incarner la richesse créative du groupe. Le dévastateur "Octopus Has No Friends" (et son petit frère "Bedazzled Fingernails") offre un riff de guitare explosif et un groove infernal pour 3 minutes 48 de pure euphorie. Autre pépite, "Thickening" est un titre très progressif en deux phases, une introduction instrumentale lumineuse et une structure plus conventionnelle avec des harmonies vocales étincelantes. La venue d’un nouveau producteur, Mike Elizondo, pourtant plus porté sur le hip-hop, rend grâce à ce disque avec une sonorisation proche de la perfection.
The Hunter est plus qu’une preuve à l’endroit des critiques désabusés, c’est une démonstration. On peut raisonnablement parler du disque de métal de l’année. Un album appelé à devenir une référence incontournable dans les années à venir. L’acmé de Mastodon a débuté avec Crack The Skye et se cristallise autour de The Hunter.