Nous en étions passés tout prêt lors de l'enregistrement de "Never Say Die!", mais ce ne fut que reculer pour mieux sauter. Ozzy a fini par être viré de Black Sabbath par Tommy Iommi, ses problèmes de dépendance à l'alcool et à la drogue n'arrangeant rien à l'affaire. Mais heureusement, alors qu'il était en train de sombrer définitivement en restant enfermé chez lui, deux rencontres sont venues le ramener à la vie. La première est celle de Sharon Arden (sa future femme), fille du président de Warner, label du sabbat noir. Venue lui réclamer le paiement de ses dettes, elle est prise de pitié et l'entraine dehors pour rechercher une maison de disque. Alors qu'il se trouve dans le bureau du patron de Sony, Ozzy, encore sous l'emprise de l'alcool, libère 2 colombes que Sharon lui avait offertes. L'une d'elle restant sur ses genoux, il attrape le pauvre animal et lui arrache la tête avec les dents ! Cet épisode qui lance la légende du prince des ténèbres, marque également le management de Sony qui se rend compte qu'il y a là un personnage particulier sur lequel le label va pouvoir investir. La deuxième rencontre est celle de Randy Rhoads, jeune guitariste d'un combo alors inconnu du nom de Quiet Riot, qui, au-delà de son génie instrumental, va se révéler être le musicien qu’Ozzy attendait pour libérer son inspiration créatrice.
Soutenu par une paire rythmique en bêton armé composée de Bob Daisley (Rainbow) à la basse et de Lee Kerslake (Uriah Heep) à la batterie, l’hydre à 2 têtes frappe fort d’entrée et impose le retour du madman par la grande porte pour ce qui sera un album incontournable du genre. Si la voix nasillarde et malsaine d’Ozzy est reconnaissable entre toutes, seul un titre vient rappeler le passé sabbathien du chanteur, un "Revelation (Mother Earth)" épique traversant des ambiances successivement sombres, mélancoliques et agressives. Pour le reste, Ozzy Osbourne et sa bande, renforcée par Don Airey (Black Sabbath, Gary Moore, Rainbow) aux claviers, nous balancent un Heavy à la fois sombre et dynamique, porté par toute l’ambiguïté de son leader. Alors qu’il nous offre une jolie ballade avec "Goodbye To Romance", il est ensuite capable de nous balancer un "Suicide Solution", tranchant, au break glauque et aux paroles sulfureuses qui lui vaudront quelques soucis avec les associations puritaines américaines.
Difficile de s’étendre sur chaque titre, même s’ils le mériteraient quasiment tous, de "I Don’t Know" sur lequel le talent de Randy Rhoads nous explose à la face, jusqu’au cinglant "Steal Away (The Night) ", en passant par l’imparable et irrésistible "Crazy Train" ou le sombre et lugubre "Mr. Crowley". Seuls le court instrumental "Dee" écrit par Randy pour sa mère, et le cependant efficace "No Bone Movies" peuvent paraitre plus quelconques. Bien que toujours aussi torturé, Ozzy apparait ressuscité alors que Randy Rhoads s’impose comme un guitar-hero doublé d’un sacré compositeur, capable d’exploits techniques tout en transmettant une émotion palpable à chacune de ses interventions.
"Blizzard Of Ozz" n’est ni-plus-ni-moins qu’un album indispensable à toute discothèque Heavy et Hard-Rock qui se respecte. Véritable retour d’outre-tombe de son maitre de cérémonie, il laisse apparaitre un artiste libéré des chaines d’un groupe et affirmant son identité et son talent, qu’une vie sulfureuse et des frasques à répétition élèvent au rang de légende. Et voilà comment en un seul coup de maitre, un album, un chanteur et un guitariste sont devenus de véritables mythes !