En cette fin de XXème siècle, la scène métal vit un sérieux malaise. Le paysage musical est alors dominé par la pop et les survivants de la vague grunge, le métal est devenu un sous genre. Le thrash voit ses pères pondre navet sur navet, le néo fait son apparition et n’est qu’à moitié convaincant. Il y’a bien le black-metal, mais son âge d’or est révolu. C’est ainsi que, menée par les monstres sacrés que sont aujourd’hui Vader, Morbid Angel, Death ou encore Possesed, la scène death-metal est en pleine gestation et voit naître durant cette période nombres de combos de qualité. Parmi eux, les petits jeunes de Behemoth. Vaguement connus dans sa Pologne natale pour quelques démos et albums black-metal, le groupe prend en 1998 le chemin du death-metal, décision confirmée avec "Satanica", sorti en 1999.
Bien plus que l’album qui permettra à Behemoth d’accéder à la scène internationale, "Satanica" est l’album de la confirmation, les Polonais cherchant avant tout à s’affirmer… Etant aujourd’hui considéré comme un classique du genre, cet opus avait tout pour plaire à sa sortie : la violence, la fraicheur, l’originalité et la puissance. L’emploi de l’imparfait s’impose cependant car, malgré tout, cet album a un peu vieilli. Mais ne restons pas sur cette image négative car une grosse moitié des 8 morceaux de cet album sont devenus des standards de la discographie scénique de Behemoth. Il y’a "Decade Of Therion", le titre d’ouverture. Comme ouverture, il y’a plus discret : un riff de guitare apocalyptique aidé par Apo! Panthos! Kako Daimonoz!, hurlé, forgé dans le feu de l’Enfer, pour un morceau inévitable en concert. Bref, un tube, une claque comme on aimerait en recevoir plus régulièrement.
La suite n’est pas faite pour décevoir, loin de là, malgré quelques faiblesses dont notamment "Starspawn", titre le plus faible du disque. Rien n’y est accrocheur en comparaison avec les 7 autres morceaux de l’album. Etrangement, suite à ce changement drastique de genre musical, Behemoth se veut plus ouvert dans sa démarche, plus inspiré et plus original, comme en témoignent les compositions à tiroirs de "Ceremony Of Shiva" ou "The Sermon Of The Hypocrites". Encore plus déroutant, une sorte de psychédélisme se faire ressentir sur "The Alchemist’s Dream", ce qui confirme la réelle ouverture d’esprit dont est dotée Nergal, tête chercheuse du groupe. Le duo basse/batterie assommant aide à imposer cette image titanesque et cette énergie communicative, véritable marque de fabrique de Behemoth.
Et puis, impossible de chroniquer "Satanica" sans parler de l’hymne absolu qu’est "Chant For Eskhaton 2000". Plus qu’un hymne pour le groupe, une bande-son de propagande. Une structure simplissime au service d’un riff sombre et pesant. Joué immanquablement à chaque fin de concert, ce n’est pas un titre très original, mais c’est l’exemple parfait de l’identité compositrice de Nergal.
Avec sa grosse demi-heure de durée totale, "Satanica" confirme que durée ne rime pas forcément avec qualité. La suite aura beau être nettement plus intéressante, Behemoth marque ici l’année 1999 au fer rouge. Un disque très peu hésitant, par un groupe qui sait ce dont il a envie…