Pas besoin d'être un expert en linguistique pour se douter que Labirinto Di Specchi est un groupe qui nous vient d'Italie. Un groupe qui aura pris le temps de mûrir avant d'offrir au public son premier album puisqu'il est né en 2005 à l'initiative du bassiste Matteo Canestri. Ce dernier a l'idée originale de renforcer l'aspect orchestral de la musique dont il a l'ambition en doublant chaque instrument : le groupe se devait donc d'avoir deux guitaristes, deux bassistes, deux claviéristes et deux batteurs.
Mais en six ans, le temps passe et les choses changent. Ainsi le groupe a-t-il connu des évolutions de son line-up originel, certains membres ayant quitté les rangs pendant l'enregistrement du disque, ou juste après, quand d'autres venaient combler les trous, d'où un effectif qui peut sembler pléthorique sur le papier.
Malgré ce remue-ménage, les compositions sont homogènes et bien malin celui qui pourrait détecter une quelconque incidence de ces mouvements de personnel dans la musique elle-même. Il est vrai que l'originalité intrinsèque des mélodies de "Hanblecheya" est suffisamment déroutante pour masquer ces considérations logistiques.
Car Labirinto Di Specchi ne donne pas dans le RPI standard et de bon aloi. Labirinto Di Specchi peut se traduire en "labyrinthe des miroirs". Et certes la musique évoque bien un labyrinthe, tant elle emprunte de nombreux thèmes différents, le côté "miroirs" s'affirmant quant à lui au travers des multiples reflets que les motifs repris en écho évoquent. Pour apprécier les différents titres qui constituent "Hanblecheya", mieux vaut ne pas être allergique aux musiques faites de répétitions, aux dissonances, aux changements subits de tempo et à la créativité proche de l'improvisation. De superbes moments atmosphériques, délicats ou tout en puissance côtoient des passages moins inspirés, serinés jusqu'à abuser de la patience des auditeurs ou utilisant de procédés artificiels (synthés, voix) dont on peut se demander l'intérêt. Plus que la répétitivité ou le manque de transition, cette musique souffre surtout de la présence horripilante de synthés kitsch aux sons tire-bouchonnesques ou aux effets spéciaux de films de science fiction des années 70.
Fort heureusement, les bons moments l'emportent sur les moins bons. Par ailleurs, si l'utilisation des synthés a de quoi laisser parfois perplexe, comment ne pas se délecter de ce piano délicat, de cette basse profonde et omniprésente, de la percussion aussi discrète qu'efficace, des guitares inventives et des très belles nappes de claviers quand ceux-ci veulent s'en donner la peine ? Seul le violoncelle semble être employé avec trop de parcimonie, ses interventions apportant une touche de gravité qu'il aurait été agréable d'entendre plus souvent.
Si 'La Maschera Della Visione' aux synthés volubiles insupportables, 'Fantasia' pas désagréable mais lassant de répétitivité et 'Nel Nulla Etereo Soggiogato Dall'Ignoto La Mente Si Espande', rock indus très expérimental, ne convainquent pas complètement, les deux longues digressions que sont 'Purpurea' et 'Follia' se rapprochent d'un post rock à la Sigur Ros mâtiné de thèmes spacio-expérimentaux tels que Pink Floyd se plaisaient à en construire dans des albums comme 'A Saucerful Of Secrets' ou 'Ummagumma'. Enfin, 'Eclissi part 1 & 2' ouvrent et ferment l'album de façon symétrique, le dernier titre inversant les thèmes du premier comme un reflet dans un miroir, sur une musique vaguement orientale dont les percussions ne sont pas sans rappeler "More".
Labirinto Di Specchi s'ancre sans complexe dans la musique psychédélicodélirante des années 1970 et plaira sans aucun doute à tous les nostalgiques d'une époque où la créativité et l'imagination avaient peu de bornes, quitte à sombrer parfois dans le ridicule ou l'ennuyeux.