Quoi de plus tragique que les pleurs d'un violoncelle ? La sonorité de cet instrument restitue à merveille la mélancolie et la souffrance intérieure, instillant au fond de l'être un indéfinissable vague à l'âme propice aux rêveries les plus romantiques. Dès lors, il devient l'instrument indispensable à tout artiste souhaitant donner à sa musique une coloration sentimentale.
Marek Juza l'a bien compris. Marek Juza, c'est l'homme qui ne fait qu'un avec Metus. A son actif avant "Out Of Time", quatre albums en moins de trois ans, une trilogie sur la création du monde ("Vale of Tears", "New Dawn" et "Deliverance") suivie en 2009 de "Beauty", traitant du paradis sur notre bonne vieille terre, tous composés, chantés et joués par notre multi-instrumentiste, qui ne dédaigne pas à l'occasion dessiner les pochettes de ses albums.
Sur "Out Of Time", Metus délaisse ses thèmes bibliques pour dédier son nouvel album à l'amour, notamment celui qu'il voue à sa femme, et fait appel à cinq musiciens, ne conservant pour sa part que le chant et la conception de la très jolie pochette. Quoi de plus romantique que de chanter l'amour éprouvé pour l'être cher ? Oui mais, à l'écoute de cet album, il ne saurait être question d'un amour serein. Quels tristes tourments torturent donc notre artiste pour qu'il nous livre un album si sombre, presque sépulcral, plus proche du "Requiem" de Mozart que de l'"Hymne A La Joie" de Beethoven ?
Le violoncelle évoqué ci-dessus prend tout son sens au sein de cette musique au tempo invariablement lent, conférant à l'ensemble des titres gravité et tristesse. A ses côtés, un accompagnement musical discret mais efficace constitué de beaux passages de guitares arpégées, de piano cristallin, de percussions aériennes. Et délicatement posé sur l'édifice, une voix d'outre-tombe dont le côté dramatico-gothique n'est pas sans rappeler Tilo Wolff (Lacrimosa), une voix à faire déprimer dans les graves et frissonner dans les médiums (il n'est pas question d'aigus ici).
Toute personne sensible aux thèmes mélancoliques ne devrait pas être indifférente à ce monument de noirceur. Néanmoins, la trop grande similitude des titres entre eux donne à l'album une certaine linéarité qui confine par moment à de la monotonie. Par ailleurs le chant est trop théâtral pour être vraiment empathique : l'émotion qui devrait logiquement nous submerger reste en lisière. On aurait aimé se laisser emporter par le torrent d'émotions que nous promettait cette musique sombre, mais le mélancolique cède le pas au funèbre, le passionné au pathos.
"Out Of Time" laisse donc l'auditeur sur sa faim malgré ses deux cd, le second reprenant les titres du premier en polonais, avec de légères variations d'interprétation trop discrètes pour être réellement perceptibles. Ne soyons cependant pas injustement sévères : malgré ses quelques défauts, "Out Of Time" recèle de bien beaux moments dont il serait dommage de se priver.