Le nom de Grega Habic ne vous est peut-être pas familier, et pourtant cet artiste slovène n’est pas un nouveau venu de la scène musicale. Compositeur et guitariste, homme-orchestre à sa façon (également producteur et opérateur de l’instrumentation programmée), notre homme ne néglige pas pour autant les savoir-faire complémentaires dont il estime avoir besoin; sur ce 4ème album studio, pas moins de 5 musiciens avisés, invités à venir laisser leur empreinte sur l’une ou l’autre des compositions. Hé oui, 4 albums déjà, car le prolifique guitariste a démarré son parcours discographique en 2002 avec "Rebirth", avant d’intensifier sa production à partir de 2008, coup d’envoi d’une publication musicale quasi annuelle.
Qu’en est-il de la cuvée 2011 de cet "Open Heart Surgery" ? Primo, le fringant guitariste demeure assez fidèle à ses fondamentaux. La palette instrumentale est plutôt variée, mais les cordes électriques s’adjugent le rôle principal. Quoi de plus normal par ailleurs, en ces territoires de Guitar Hero ne souffrant guère de concessions stylistiques, sous peine de dénaturation du genre ? Secondo, et bien que l’auteur s’en défende, l’ombre des grands noms de la scène correspondante, tel un filigrane plus ou moins imprimé, plane ici et là au-dessus des 11 plages de l’album; certes, il n’est pas possible de dire que cela soit applicable du début à la fin, mais il est en même temps difficile de ne pas songer aux griffes talentueuses d’un Joe Satriani ou d’un Steve Vai, à l’aune des planantes envolées d’un 'Alyx', du Blues insouciant de 'Mirror' ou de '2 L8 4 Tears', ou de la décontraction tonale et rythmique de 'Tunnel Lights'. Est-ce un mal ? Certainement pas, car Grega Habic ne plagie pas, mais se réapproprie les thèmes et les méthodes de ses modèles; et il le fait sans retenue, sa technique de guitariste n’ayant plus rien à prouver.
Le Rock qu’il affectionne peut sans hésitation aucune s’imprégner de rythmiques syncopées, de penchants métallisés ('Pig', notamment), ou encore d’idéaux épico-progressifs. Le titre éponyme en particulier, clôturant la galette, s’érige en représentant du côté obscur du bonhomme, par son foisonnement instrumental particulièrement ténébreux, et par sa logique oppressante d’arpèges saturés sur fond de nappes synthétiques glacées. L’intitulé de ce dernier titre en porte-étendard du projet, 'Open Heart Surgery', c’est justement la symbolique de la conviction intime du compositeur : au cours de cette opération, il offre son art à cœur ouvert. Il n’était peut-être pas indispensable, pour se démarquer davantage, de pousser la fantaisie jusqu’au Rap-métal tonitruant de 'Fighting The Undertow', assez peu délicat (et dont le vocal anesthésié n’apporte pas de plus-value qualitative à cet ensemble instrumental).
Si Grega Habic, dans ce bal de cordes électriques habilement revisité fait bel et bien la démonstration de sa personnalité musicale, en revanche, on aurait aimé, en dehors des formules explicitement et ostensiblement déjantées, que les inspirations plus mélodieuses soient davantage affirmées. A deux ou trois reprises, on a le sentiment que les harmonies narratives intermédiaires, entre deux assauts de guitare, n’ont pas été suffisamment développées, ou bien n’ont pas réussi à se débarrasser d’une certaine atonie de premier jet ('Mirror' ou 'Alchemist', par exemples). Un peu dommage.
Conclusion ? Avec ses soli aériens enflammés, sa soif constante de plénitude épicurienne et le grain de folie de la six cordes en maestro, la musique de Grega Habic ne renouvelle pas le genre mais lui rend hommage. Mission remplie ? On peut quasiment dire cela, toute réserve effectuée, s’agissant de la démarche mélodique.