Comme quoi la musique moderne islandaise ne se résume pas à Björk et Sigur Rós, la compagnie Arstidir, issue elle aussi de la petite capitale scandinave, assoit avec cette seconde offrande une certaine notoriété qui malgré tout tarde à franchir les limites de leur cadre insulaire. Même plus, c’est en puisant dans le folklore local que se sont formées, à l’image de leur île abritant derrière une dureté climatique des splendeurs de paysages, ces douze mouvements emplis d’élégance et de quiétude.
"Ljóð í Sand", petit pétale se détachant le premier de son corolle, a d’ailleurs tout d’un chant traditionnel en faisant montre d’une certaine solennité sans oublier d’être affable. Plus généralement, "Svefns Og Voeku Skil" se distingue par le fait qu’il est purement organique ; aucune trace visible de modernité ne vient corrompre cette impression que le temps n’a pas autorité sur cette œuvre. Ainsi, en parfaits fantoches de ce théâtre tragique où finalement la vie s’écoule paisiblement mais avec une certaine gravité, seul un trio de guitares, piano et cordes (parfois que des cordes sur "Hvar") créeront les nuances entre gris clair et gris foncé qui teintent la scène. On se prend alors à imaginer un ciel ennuagé, des landes brumeuses ou enneigées, un panorama inquiétant et tranquillisant à la fois.
Les six scandinaves semblent aussi de leur côté avoir subi l’influence des lieux, ils en empreignent leur musique, un peu comme la contemplation pendant des heures de l’océan peut avoir sur l’esprit. Chantant tantôt en islandais, tantôt en anglais, Daníel Auðunsson et ses amis accompagnent durant quarante petites minutes, chacun de son timbre avenant, ces mélodies doucereuses et intemporelles même si quelques titres tels que "Til Hennar" ou "Shades" à l’arrière du peloton surprennent par une proximité avec une musicalité plus actuelle... Le premier par des effets de chœurs chers à Porcupine Tree, le second semblant être un arrangement acoustique d’un brûlot de metal progressif, avec la nervosité et la puissance maîtrisée que cela suppose.
Au final, Arstidir attire la sympathie grâce, au delà d’un talent d’écriture indéniable, à cette capacité à favoriser l’imagination et à s’inventer des ambiances toutes simples soient-elles. "Svefns Og Voeku Skil" est pour cela un petit réconfort qu’il serait bienvenu de s’accorder.