Ebonylake devrait évoquer pas mal de souvenirs chez ceux qui ont vécu l'explosion commerciale du Black Metal à la fin des années 90 dans le sillage des efforts de Cradle Of Filth, Dimmu Borgir, Emperor et Immortal, souvenirs attachés au défunt label Cacophonous et à un premier - et unique - opuscule, On The Eve Of The Grimly Inventive, oeuvre baroque chargée de ce spleen baudelerien tant convoité chez les Gothic et que la troupe britannique conjugait à un art noir plus tortueux que symphonique.
Disparu depuis, quelle ne fut pas notre surprise de voir ressurgir des limbes ce groupe inventif. Désormais hébergé chez Les Acteurs de l'Ombre, modeste label dévolu au Black Metal dans ce qu'il a souvent de plus tordu et d'expérimental et le line-up circoncis au seul duo Mass et Ophelius, Ebonylake écrit avec In Swathes Of Brooding Light un second chapitre à son histoire avec les couleurs noires du chaos le plus halluciné. Plus encore peut-être que son aîné de douze ans, l'offrande a quelque chose d'un labyrinthe incompréhensible où l'on perd très rapidement pied. Dès "And From The Seas The Sickening Things" en fait, maelström déjanté où s'écrasent chants hystériques, cassures multiples, lignes de cordes stridantes. Est-ce du Black Metal ? Du Metal gothic ? De la musique classique contemporaine ? Du bruit, peut-être ? Un peu de tout cela probablement.
Malgré une identité bien définie, l'album se scinde en deux segments distincts. Inédit, le premier court du titre d'ouverture à "Licking At The Nesting's Of Young Fledings", pandémonium orgiaque difficile à suivre et dont seuls quelques éclairs salvateurs disséminés à intervalles irréguliers, comme durant "In The Swathes Of Brooding Light" et la piste fermant cette partie, qu'irriguent des déchirures vocales oscillant entre démence et beauté, offrent de fugaces balises. Pourtant après un début des plus chaotiques, le disque paraît vouloir dompter ce capharnaüm faussement désorganisé.
A cet ensemble aux allures de kaléidoscope d'images aux confins de la folie, succèdent les quatre compositions de la démo originelle As Ghosts We Dance In Thrashing Seas, remasterisées pour l'occasion et qui, en dépit de leur ancienneté et de leur couleurs plus victoriennes, se fondent plutôt bien dans le coeur d'une oeuvre aux teintes pourtant modernes et cauchemardesques qui ne laissera personne indifférent, symphonie torturée réclamant nombre d'écoutes pour en goûter les charmes (?).
Toujours à contre-courant, Ebonylake, tour à tour séduit, agace mais toujours rassure (si l'on peut dire) par une volonté intacte de ne pas être corseté par une quelconque mode. On The Eve Of The Grimly Inventive était en avance sur son temps. Il en est de même de son tardif successeur auquel il manque cependant ce charme sépulcral dans son lustre gothique dont était auréolé son ainé.