Préparé quelques mois auparavant par le EP Exordium, chargé de faire patienter et rassurer le fan suite au départ de Mark Jansen parti dans la foulée former son propre groupe, Invisible Circles est publié en mars 2004. Dans la rivalité naturelle bien qu'amicale, issue de cette séparation, entre After Forever et Epica, l'album souffre du fait d'arriver après The Phantom Agony avec lequel la comparaison est facile mais sans grand intérêt. Le premier opus du groupe de Mark Jansen ayant poursuivi avec la réussite que l'on sait le travail là où Decipher l'avait arrêté, mettant à jour le charme affolant autant que le talent d'une jeune recrue de choix, Simone Simons, Sanders Gommans et Floor Jansen se doivent donc de ne pas rater ce second chapitre de leur carrière.
Premier constat, s'il confirme l'orientation plus moderne, sensible sur Exordium, dont il reprend l'esthétique bleutée, Invisible Circles se révèle largement supérieur à son petit prédécesseur, émaillé qu'il est par de très solides compositions tels le furieux "Blind Pain", "Beautiful Emptiness" ou "Sins Of Idealism" aux teintes vaguement orientales. Surtout, en choisissant de s'appuyer sur un concept plus réaliste, alimenté par l'expérience pédagogique du guitariste, enseignant dans la vie de tous les jours, il nous dévoile un groupe plus mature, plus grave dans son propos et dans son univers, malgré le ridicule des tenues dont ses membres se sont sentis obligés de revêtir pour les photos promotionnelles.
Corolaire de ce thème connecté à la vie réelle et basé sur les tourments d'une enfant dans un milieu parental troublé, les titres sont recouverts d'une couche sombre laquelle, bien que déjà présente sur Prison Of Desire ou Decipher, s'exprime ici avec plus de désespoir et de désenchantement car elle témoigne de la noirceur d'un monde à la recherche de ses repaires. En découle une œuvre complexe, aux arrangements extrêmement riches, bien que ceux-ci s'éloignent des canons du Gothic symphonique que ses géniteurs ont contribué à établir, au menu assez copieux (douze pistes pour quasiment une heure de musique) et vierge de véritables hymnes instantanés, et que rehaussent quelques touches progressives inédites.
Assuré par Amanda Somerville, coach et vocaliste de l'ombre remarquable qui en a supervisé les lignes avec les fidèles Sascha Paeth et Miro, le travail sur le chant se révèle éblouissant. "Reflections", théâtre de multiples pistes vocales (féminines, masculines...) en constitue certainement le plus bel exemple. Floor y fait preuve d'une puissance dramatique qui touche le cœur.
After Forever n'a opté ni pour la facilité ni pour le confort qu'aurait pu lui assurer la simple confirmation d'une signature à succès, préférant continuer de façonner son art, quitte à décevoir, certains regrettant une emphase pourtant toujours présente mais prenant forme d'une manière plus grave, plus sombre également. Œuvre plus nuancée que ne l'étaient ses devancières, Invisible Circles réclame nombre d'allers-retours avant de pouvoir en faire le tour, ceci expliquant sans doute son moindre succès.