Six années ! C'est un très long délai entre deux albums, surtout concernant un des groupes phares dans le monde du progressif. Après 10 années de productions ininterrompues et six albums studio, Arena se mettait en pause, et chacun de ses membres en profitait pour mener à bien divers side-projects – Jester Tour pour Mick Pointer, Caamora pour Clive Nolan ou It Bites et Frost pour John Mitchell. Annoncé depuis le milieu de l'année 2011, attendu comme le cadeau de Noël par tous les fans, le projet "Tinder Box" sort enfin sous le titre "The Seventh Degree Of Separation".
Sur le papier, cette réalisation est plus que prometteuse : avec le retour de John Jowitt à la basse, le groupe se retrouve proche du line-up qui nous avait livré l'inoubliable "Visitor". Et comme son illustre prédécesseur, "7th" est un concept-album. Le fan se prend à rêver, d'autant que les deux concepts sont assez proches. Le titre de l'album fait référence à une théorie des années 30 qui affirme que tous les Terriens se connaissent par l'intermédiaire d'au plus cinq personnes (6 degrés de séparation). Le 7è degré est la représentation de la mort. Là où "The Visitor" décrivait les états et souvenirs précédant la mort, "The 7th Degree …" s'intéresse à ce qui se passe une heure avant à une heure après ce "passage". Voilà pour le concept. Les parties vocales sont assurées par Paul Manzi, auparavant chanteur auprès d'Oliver Wakeman, Rob Sowden n'ayant pas souhaité poursuivre l'aventure Arena pour diverses divergences d'ordre musical.
Le livret qui accompagne l'album est splendide, comme souvent chez Arena, et doit être considéré comme partie prenante du concept. Les illustrations ne respirent pas la franche gaîté, mais traduisent avec un esthétisme douloureux l'ambiance générale très sombre du thème décrit. Un peu à l'image de "Contagion", les titres sont courts (une seul dépasse les cinq minutes), mais le groupe a déjà prouvé qu'il savait rester dans un esprit progressif tout en étant concis (cf l'incroyable 'Running From Damascus' qui résume "The Visitor" en 3'44 !). Les textes sont à l'image du livret, sombres et magnifiques, parcourus d'interrogations existentielles habilement posées, et très étroitement adaptées à la musique : un excellent travail d'écriture de Clive Nolan, seul artisan des textes.
Comme a pu le remarquer tout lecteur observateur, la note attribuée à cet album est relativement basse. Et pourtant, "7th Degree Of Separation" est une machine de guerre : le groupe a mis tout son savoir-faire dans des compositions redoutables d'efficacité, avec des refrains imparables à l'image de 'One Last Au Revoir', des thèmes mélodiques magnifiques ('The Ghost Walks'), et des arrangements très soignés, que ce soit aux claviers – que Clive Nolan utilise avec une souveraine maîtrise – ou à la guitare : écoutez le travail de John Mitchell, proche du hard-rock sur 'Echoes Of The Fall'. Au micro, Paul Manzi délivre plus de puissance que Rob Sowden, et sa manière colle bien à ces titres courts, même si les puristes lui reprocheront son style plus pop ; sa présence est un plus sur des titres commencés en douceur, comme 'What If ?', 'The Tinder Box' ou le performant 'Burning Down', modèle de morceau court dynamique et immédiatement entraînant.
Mais alors, d'ou vient le problème ? Tout simplement du fait que l'album met quasiment de côté l'aspect progressif de la musique d'Arena, ce qui, vous en conviendrez, est un gros souci. A aucun moment on ne retrouve les rappels de thèmes qui faisaient l'unité d'un "Visitor". Les développements instrumentaux sont absents sur la grande majorité des morceaux, de structure généralement très simple – la traditionnelle alternance couplets-refrains -, et qui s'achèvent là où anciennement Arena nous donnait le meilleur de lui-même. Nul doute que cet album puisse accrocher de nouveaux auditeurs, tendance AOR sophistiqué ou pourquoi pas hard-rock mélodique, mais il va décevoir lourdement une bonne partie de son auditoire de base, surtout après une aussi longue absence. Les fans pourront quand même se consoler avec 'Thief Of Souls' et ses thèmes imbriqués, preuve qu'il est possible de faire du prog' en moins de quatre minutes, ou bien avec la lente accélération très bien menée de 'Tinder Box', et surtout avec le grand 'Catching The Bullet', résolument et longuement progressif, contenant un incroyable solo de guitare, technique et mélodique à souhait, qui montre que John Mitchell est au sommet de son art, omniprésent sur l'album, et plus que jamais indispensable dans le groupe.
Sentiments mitigés donc après l'écoute de cet album. Accrocheur, efficace, maîtrisé mais pas suffisamment complexe dans ses compositions pour emporter l'adhésion des fans de musique progressive, "The 7th Degree Of Separation" passe à côté de sa cible, qui reste nostalgique de titres plus développés. L'avenir nous dira si l'orientation du groupe restera dans cette voie ou se servira de ces excellents dispositions mélodiques pour nous emmener dans des univers musicaux plus fouillés.