Après un détour plus ou moins bien apprécié par le rock progressif sur leur deux derniers albums, Jethro Tull abandonne les longues suites pour revenir à un format plus classique constitué de dix titres dont aucun n'atteint les six minutes. Comme pour l'album précédent, "A Passion Play", l'accouchement se fit dans la douleur et connut quelques vicissitudes.
En effet, on se rappelle que s'étant retiré au château d'Hérouville pour enregistrer son nouveau disque, le groupe dut se replier sur Londres pour des raisons techniques et personnelles, perdant la quasi-totalité du matériel qu'il avait produit. L'écriture et l'enregistrement de "A Passion Play" avaient alors été réalisés en moins de quinze jours, Jethro Tull s'envolant ensuite pour une grande tournée aux USA. Quand Ian Anderson compose "War Child", il a dans l'idée d'en tirer un film musical. Mais ne trouvant pas les financements nécessaires pour mener à bien son projet, il se rabat sur un album simple.
Un retour aux sources du rock donc, mais le passage par la case musique progressive a laissé quelques traces : l'utilisation de samples ici et là (les éclats d'obus et les détonations au début de 'War Child' par exemple), le recours à des instruments exotiques (outre la flûte et le saxophone, on entend John Evan jouer de l'accordéon et les cordes d'un orchestre de chambre dirigé par David Palmer sur plusieurs titres) et une structure parfois plus complexe que le sempiternel couplet/refrain ('Back-Door Angels', 'Skating Away On The Thin Ice Of The New Day' dont le début n'est pas sans rappeler un certain 'Alan's Psychedelic Breakfast').
Mais les titres, relativement simples, s'appréhendent facilement et il n'est pas nécessaire de multiplier les écoutes pour se les approprier. Une bonne nouvelle pour ceux que la prise de tête rebute. La moins bonne nouvelle, c'est la relative médiocrité des compositions : outre l'aspect très disparate de l'album, mélangeant hard-rock, folk, hymnes guerriers, chansons d'après-guerre et ritournelles, aucun titre ne sort vraiment du lot au point d'accrocher l'attention. Certains titres sont bons : 'War Child' avec son piano classique, sa section de cordes, ses bruitages et sa mélodie décalée ressemble à du Queen croisé avec du Procol Harum, 'Sealion' et 'Bungle In The Jungle' sont des hard-rock sympathiques, et 'Skating Away On The Thin Ice Of The New Day', rescapé des sessions d'Hérouville, déploie une étrange beauté. Les autres morceaux, sans être ratés, souffrent d'une fadeur certaine, d'un manque d'inspiration les plongeant dans l'oubli à peine écoutés. Par ailleurs, la flûte de Ian Anderson est moins en verve que de coutume et sa voix charismatique paraît bien fatiguée par moment ('Queen And Country', 'The Third Hoorah').
Le retour de Jethro Tull à un format plus concis se fait donc en demi-teinte. S'il n'y a pas lieu de crier au désastre, "War Child" fait partie de ces disques médiocres qu'on redécouvre un jour par hasard dans sa discothèque, ayant complètement oublié l'avoir acheté un jour.