April est un duo bordelais en couple en studio comme à la ville (lire l’interview par ailleurs) qui, avec l’objectif de créer un album concept, livre son troisième album en 5 ans d’existence.
Autant le dire tout de suite ce dernier apporte un petit air rafraîchissant dans le monde de la scène rock française. Largement basé sur des rythmes au tempo ralenti et avec des mélodies tirées au cordeau le groupe a eu la bonne idée d’utiliser les voix féminines et masculines tout en s’exprimant en anglais et en français pour faire de chaque composition une petite perle précieuse.
"Sunderlands" est le monde imaginé par Jibé dans lequel Alex (un accidenté de la route) erre dans un coma aux limites de l’esprit et du rêve. L’homme du duo prend en charge les musiques alors que Flora se charge des textes fouillés émotionnellement chargés. Le travail fait sur les voix est d’une grande classe notamment sur "Tess’ Reveries" dans lequel les parties couplets et refrain sont traitées sous 2 angles opposés (étouffée pour l’une et magnifiée pour l’autre). Le talent d’arrangeur et de compositeur de JiBé casse la baraque avec "Enjoy The Ride", formidable duo voix/guitare doté d’une mélodie de haut vol.
Le piano est la base essentielle de l’ensemble des titres puisque c’est l’instrument qui guide les mélodies. Des nappes de claviers sont présentes de manière plus parsemées souvent pour souligner l’intensité du moment. Le duo vocal est aussi une des marques de fabrique (pourtant largement moins présent sur les 2 premiers opus) du groupe avec des joutes sobres mais lumineuses sur la majorité des compositions :"The World I Made", "One Hundred Years With You", "Un Jour Pour Te Dire" sont les plus belles réussites.
Le duo sait aussi utiliser des rythmes plus tranchant dans une idée proche de Muse ("Frame By Frame", "Breaking Bones") avec l’utilisation notable de distorsions sur les voix ou, à l’opposé, de presque-chuchotements avant les déferlantes de six cordes maitrisées. Surprenant, car si le groupe avait déjà parcimonieusement utilisé ce type de compositions nous en retrouvons ici tout de même quatre de cet acabit. Le titre de clôture "Alex" en est l’exemple typique, démarrant sur un propos intimiste au piano/violoncelle puis se déchaînant par la suite soutenu par une batterie et une guitare électrique aiguisée à souhait dans le cadre d’un titre instrumental faisant office de générique de fin.
Si les bordelais ont su bonifier leur talent de compositeurs, il est juste dommage qu'une partie des percussions ait été faite via des programmations en lieu et place d’une véritable batterie. La résultat est un léger manque dans la profondeur et la rondeur du mix (c’est une des forces d’un groupe comme Seven Reizh par exemple) d'autant plus flagrant que les compositions où le batteur intervient prennent immédiatement une certaine ampleur.
A rapprocher de groupe comme Delusion Squared qui avait fait mouche du premier coup, April confirme sa progression et vient de passer un cap évident avec ce "Sunderlands" d’un niveau très appréciable. Une bien belle surprise française de plus qui va rendre encore plus difficile les choix lors des traditionnels votes de décembre dans la catégorie "artiste national de l’année".