Si "Lonesome Crow", premier opus de Scorpions, n’a pas laissé un souvenir impérissable dans la mémoire collective, il a néanmoins révélé un jeune guitariste de 17 ans, Michael Schenker, au point que le petit prodige se voit débauché par les Britanniques de UFO. Après avoir encaissé le coup, Rudolph Schenker et Klaus Meine, les 2 leaders du groupe, se rapprochent du guitariste de Dawn Road, Uli Jon Roth et finissent par fusionner avec sa formation, intégrant la section rythmique composée de Francis Buchholz et Jürgen Rosenthal, en même temps que le six-cordiste baba-cool.
Si l’arrivée de Roth va confirmer l’ancrage psychédélique du premier album, il va également apporter quelques éléments progressifs à l’occasion de titres s’étirant dans le temps avec plusieurs changements de thèmes. C’est particulièrement le cas sur le titre éponyme qui vient clôturer l’album du long de ses 9 minutes 30, passant d’une introduction acoustique à un final cosmique et traversant des couplets appuyés et un break planant avec passage parlé par Roth. De son côté, la paire Schenker / Meine propose des titres plus concis avec un introductif "Speedy’s Coming" direct et efficace, intégrant des éléments Hard-Rock pour un résultat très convaincant.
Coincé entre ces 2 sommets, le reste de l’album a du mal à réellement exister malgré la multiplication des soli enfumés d’un Uli Jon Roth qui confirme son admiration pour Jimi Hendrix, et la présence de la basse claquante de Francis Buchholz qui apporte un plus indéniable à l’interprétation des titres composés par ses compères. Si le psychédélique et expérimental "Drifting Sun" réussit tout de même à s’imposer malgré le chant de Roth qui ne soutient pas la comparaison avec celui d’un Meine qui s’affirme comme un futur très grand vocaliste, "They Need A Million" sort également du lot, mais pour des raisons moins positives. Lancé par une introduction acoustique et chantée par Meine, ce titre ne réussit pas à faire oublier le chant très limité de Rudolph, malgré un riff musclé et hispanisant intéressant. Voilà une expérience à ne pas renouveler pour le guitariste à la Flying V !
Sans être désagréable, le reste est plus dispensable, ne proposant pas de véritable accroche en dehors des talents d’interprétations des membres du combo allemand. "Fly To The Rainbow" n’est pas encore ce qu’il est courant d’appeler un opus indispensable malgré quelques titres particulièrement intéressants, mais il marque clairement le passage de Scorpions dans une dimension supérieure, laissant entrevoir au passage quelques évolutions artistiques qui devraient permettre au quintet d’affirmer une identité encore en cours de gestation.