Ambition : telle semble bien être la direction choisie par le multi-instrumentiste Barry Thompson pour son nouveau projet Anabasis, groupe composite formé de célébrités issues du monde des musiques progressives dont le claviériste de Spock's Beard, Ryo Okumoto, ici également responsable d'une bonne partie des arrangements, Gordon Tittsworth, chanteur du groupe de métal progressif Images of Eden ou Stefan Artwind, guitariste dans Relocator. Au total six membres, qui n'auront jamais joué ensemble pour réaliser cet album, tout ayant été fait à distance par la magie des télétransmissions. Ambition également dans le concept de l'album, nommé "Far From Going Home", organisé en seulement six titres dont trois epics de 14 à près de 24 minutes, évoquant une fresque sociopolitique basée sur trois civilisations anciennes – Romaine, Vicking et Egyptienne.
Le style, comme prévu, est un progressif à la frange du metal (quelques riffs assez appuyés et/ou distordus) ou du symphonique, avec un gros travail d'arrangement sur les claviers. Il évoque par moments le Arena des débuts ('Vickings'), ou un Spock's Beard voire un Black Sabbath, mais n'oublie pas de glisser quelques allusions folk ('Carpe Diem'), jazzy ('Egypt'), voire rappées ('Epiphany'). Les guitares se réservent la part du lion, avec des soli parfois strictement techniques (la fin de 'Vickings'), souvent classiques (c'est à dire commencés dans les graves, et s'élevant progressivement, comme dans 'Vickings' ou 'Egypt'), mais aussi Canterbury ('Egypt', vers 5'). Les claviers, souvent excellents dans les arrangements, sont plus libres et moins passionnants dans les soli, sauf quand il s'agit du piano qui introduit des touches mélancoliques souvent bienvenues. Le batteur assure une partition fournie et sans reproche alors que le chanteur apparaît moins convaincant. Dans ce style souvent épique, son registre vocal, plutôt typé folk, est un peu juste pour remplir l'espace, surtout dans les aigüs, souvent forcés ('Carpe Diem').
Le principal reproche qui pourrait être fait à "Far From Going Home", c'est une relative froideur : le frisson gagne rarement l'auditeur, la faute probablement au caractère artificiel de la méthode utilisée, toute à distance (n'est pas Arjen Lucassen qui veut …). L'ample 'Egypt' arrive toutefois à tempérer cette impression, avec de joiles parties plus sensibles, alors que les deux autres epics sont parcourus de petites longueurs qui les rendent moins intéressants. Cet album reste néanmoins un essai intéressant, qui pourra satisfaire les amateurs de progressif épique, moderne et varié.