Comme son nom l’indique, Ten est la dixième galette de Y&T, en comptant le live sorti en 1985, Open Fire. Mais, malgré ses qualités (nous y reviendrons), l’album s’inscrit dans la période de déclin que le groupe a amorcé avec son prédécesseur, Contagious. Le virage plus commercial entamé avec Down For The Count se poursuit et du line-up classique ne subsiste plus que Dave Meniketti et Phil Kennemore, secondés dorénavant par Stef Burns (guitare) et le mercenaire Jimmy DeGrasso (batterie), Joey Alves ayant quitté l'équipage peu de temps avant la préparation de ce nouvel album.
Le 'vrai' Y&T n’est donc plus, mais ce n’est pas une raison pour bouder, comme certains pisse-copies n'ont pas manqué de le faire lors de sa sortie, notre plaisir face à ce disque convaincant, bien produit par Mike Stone, même si nous sommes loin des heures de gloire de la formation qui nous avait tant emballé à l'époque de Black Tiger. Depuis 1982, le contexte a évolué et, exception faite de quelques pointures de l'acabit d'Aerosmith ou Mötley Crüe, en ce début de la décennie suivante, le succès du Hard US commence malheureusement à s'éroder sous les coups de boutoir d'une nouvelle génération de musiciens qui contribueront à recouvrir ce genre d'une durable couche de désuétude.
Mais revenons à Ten qui alterne chansons efficaces, calibrées certes, mais plaisantes grâce à la voix toujours aussi superbe (et unique !) de Meniketti. Les hymnes se comptent par palettes entières : "Hard Times", "Lucy", "Surrender" ou "Don't Be Afraid Of The Dark", malgré ses chœurs qui ont un peu vieilli aujourd'hui. Power-ballades comme le groupe en a le secret ("Come In From The Rain", "Ten Lovers", deux des meilleurs titres du menu), ou brûlot bluesy, tel que "City", lequel annonce déjà le disque solo du chanteur, On The Blue Side, sont également à mettre à l'actif de ce disque qui mérite franchement mieux que l'indifférence polie qu'il suscita alors.
Ca joue très bien, Meniketti surtout, qui reste aujourd’hui encore un des chanteurs et guitaristes les plus sous-estimés de la planète métal. Cependant, en adoucissant, en édulcorant sa musique pour la fondre dans le moule 'Glamouze US' de la seconde moitié des années 80, Y&T a perdu en route une partie de son âme et ce qui faisait son charme et sa singularité. En dépit d'une réussite artistique certaine, Ten, alors l'album le plus inspiré des Américains depuis, au bas mot, Mean Streak, ne parviendra pas à freiner un déclin qui débouchera en toute logique sur le split du groupe en 1991, juste après avoir capturé Yesterday & Today Live, (alors) testament scénique de très bonne facture.