Pour les amateurs d’A.O.R., Dennis "Fergie" Frederiksen est avant tout le chanteur éclair de l’album "Isolation" de Toto, paru en 1984. Et pourtant, sa carrière dépasse largement cet album, puisqu’elle débuta au milieu des années septante et qu’il est toujours actif, comme en témoigne la sortie de ce deuxième effort solo. Les amateurs les plus pointus se souviennent certainement de cet OVNI, croisement entre l’A.O.R. et le rock progressif, le premier album de Trillion dans lequel Frederiksen assurait le chant. Il fut aussi chanteur quelque temps pour le groupe Angel de Greg Giuffria, et peu avant son passage dans Toto, il intégra le groupe américain Le Roux pour quelques albums. Mentionnons aussi sa participation aux chœurs du multi platine "Eye Of The Tiger" de Survivor, ses collaborations avec l’ubiquitaire guitariste et producteur Tommy Denander (Radioactive, Denander-Ferederiksen, ...) ou encore un album en duo avec le bassiste Ricky Philips (Styx, Bad English, ...). Enfin, il ne faut pas oublier qu’il fut parmi les membres fondateurs, avec d’autres anciens Toto, du groupe Mecca qui va d’ailleurs publier très bientôt un nouveau CD (sans Frederiksen hélas). Si le CV du gaillard est donc costaud, il reste maintenant à écouter ce qu’il nous propose, après une période très difficile (diagnostiqué d’un cancer en 2010), qu’il semble toutefois avoir bien surmontée.
Après 35 ans dans l’A.O.R., il aurait été étonnant que Fergie nous propose autre chose ... Et il n’y a en effet aucune surprise, c’est de l’A.O.R. pur jus. Il s’est pour l’occasion entouré d’amis et de pointures du genre, avec notamment Dennis Ward au four et au moulin, et puis des compositeurs habitués du genre comme Jim Peterik (Survivor, Pride Of Lions, ...), Jeff Silbar, qui a composé pour Fleetwood Mac, Bette Midler et John Mellencamp, ou encore Mark Baker qui a notamment collaboré avec Glenn Hughes. Ce duo a d’ailleurs composé le titre "First To Cry" que l’on retrouve aussi sur le dernier album de House Of Lords, le monde de l’A.O.R. est bien petit. Avec un tel pedigree et un tel entourage, nul doute que le Fergie nous a pondu un album du feu de Dieu. Et après quelques écoutes il faut avouer qu’il n’en est pas loin, et que les amateurs y trouveront de quoi réchauffer leurs longues soirées d’hiver. Premier bon point, sa voix est restée impeccable, originale, claire, chaude ou plus puissante selon les besoins, c’est sans conteste un des meilleurs organes du genre.
Ce sont généralement les titres les plus enlevés qui assurent le mieux, et l’album n’en manque pas. Sur la plage d’introduction "Angel", c’est la voix de Fergie qui assure le plaisir des retrouvailles, jouant à merveille dans des aigus aux très légers trémolos. "Elaine" enchaîne avec brio pour mener vers ce "First To Cry", déjà entendu sur le dernier House Of Lords. Il n’est pas certain que la version de ces derniers soit meilleure. Autre titre bien entraînant, la plage titulaire, composée par Frederiksen et Peterik et qui débute par des claviers rappelant un peu la sonorité d’un Bruce Hornsby. S’enchaînent ensuite des titres agréables qui perceront sans doute au fur et à mesure des écoutes, mais ils ne sont pas tous à la hauteur de "Writing On The Wall" à nouveau composé par Peterik. Par moment, l’emphase bien contrôlée est proche d’un Jim Steinman qui a composé la plupart des bijoux de Meat Loaf. Les fans de Peterik doivent quand même se demander pourquoi il ne garde pas des titres pareils pour ses albums perso ! L’amitié peut-être, car c’est probablement le meilleur titre de l’album.
Grâce à sa voix à la fois personnelle et ancrée dans le genre qu’il affectionne, les influences sont un peu moins évidentes que pour d’autres, mais si vous appréciez les groupes précités ou bien sûr Journey, ou pour les plus jeunes Grand Illusion, jetez vous sur cet album comme la pauvreté sur le monde. Si vous voulez un dernier exemple, écoutez "The One", dont le refrain, les claviers et la guitare nous replongent dans l’univers des mythiques Spys. Il n’y a finalement qu’une vraie ballade, "Follow Your Heart", à nouveau composée par Peterik, mais que l’on sent pourtant autobiographique. Pourvue d’une très belle mélodie, c’est le genre de morceau qu’enfileraient comme un gant les membres de Journey. On regrettera par moment l’emphase à la limite du pompeux.
Mais de cet excellent album, nous retiendrons surtout le message, trop souvent oublié: "le bonheur est sur le chemin ...".