"Heavy Horses" (qui n'avait de heavy que le titre), paru l'année précédente, n'avait pas marqué les mémoires, Jethro Tull semblant incapable de sortir de la voie caractéristique qu'il s'était tracée et qui s'était insensiblement transformée en ornière dans laquelle le groupe patinait. "Stormwatch", pourtant boudé à sa sortie, contient une musique plus contrastée propre à réveiller un intérêt qui s'était quelque peu éteint.
Certes, Ian Anderson reste fidèle à ce folk-rock qui lui sied si bien et qu'il s'amuse, selon l'humeur du moment, à classiser ou à électrifier. Mais là où "Heavy Horses" ronronnait gentiment, trop lisse pour générer une émotion positive ou négative, "Stormwatch" joue la carte du contraste. Un pari qui lui réussit bien en début d'album, avec l'enchainement de 'North Sea Oil', un rock serré et rentre-dedans où la guitare électrique et la flûte s'adonnent à un numéro de duettistes réjouissant, 'Orion', chanson à la mélodie efficace sur laquelle les arrangements piano et claviers symphoniques des couplets tranchent avec le côté plus musclé des refrains guitares/batterie/basse, et 'Home', à l'arrangement de cordes romantiques un brin sirupeux, mais bénéficiant d'un beau thème chanté rappelant Procol Harum ou les Moody Blues dans leur période orchestrale, ou les Beatles à la fin de leur règne.
Le premier titre long de l'album, 'Dark Ages', reflète le côté hard-rock de Jethro Tull, avec une guitare électrique aux riffs furieux, puis qui se lance dans un solo enlevé au deux tiers du titre, accompagnée de la flûte guerrière de Ian Anderson telle qu'on ne l'avait pas entendue depuis longtemps. Un morceau dont l'énergie se révèle communicative au fur et à mesure que le titre avance.
Malheureusement, les choses se gâtent avec 'Warm Sporran', instrumental para-guerrier avec cornemuses et tambours à oublier bien vite, puis les classiques mais bien mous 'Something's On the Move', 'Old Ghosts' et 'Dun Ringill'. 'Flying Dutchman', le second titre long, nous tire de la torpeur dans laquelle les quatre morceaux nous avaient plongés, en oscillant sans cesse entre un riff de guitare saturée opposé à un chant posé, des arpèges de piano, des arrangements de cordes, une flûte douce. Beaucoup de variations et de profondeur dans ce titre, pas vraiment enthousiasmant de prime abord, mais dont le beau travail finit par payer. L'album se termine sur 'Elegy', petite ballade romantique instrumentale assez atypique chez Jethro Tull, malheureusement quelconque. La version remasterisée offre quatre titres bonus totalement anecdotiques.
Au final, "Stormwatch" ne tient pas les promesses de ses quatre premiers titres et souffre d'une nette baisse de régime en milieu d'album, qui malheureusement dure trop longtemps pour que ce disque se classe dans le haut du tableau des productions de Jethro Tull. Son écoute permet néanmoins de passer de bons moments.