Bien que confirmant la montée en puissance de Foreigner, "Head Game" laissait apparaître une marge de progression encore importante. Décidé à passer à la vitesse supérieure, Mick Jones engage une petite révolution en deux étapes. Ce sont tout d’abord Al Greenwood et Ian McDonald qui quittent le groupe sans être remplacés, transformant Foreigner en quartet. D’autre part, le guitariste fait appel à l’étoile montante de la production : John "Mutt" Lange qui vient de placer au firmament les 3 derniers albums d’AC/DC ("Highway To Hell", "Back In Black" et "For Those About To Rock"), ainsi que la seconde offrande d’un jeune combo britannique du nom de Def Leppard ("High’n’Dry"). Véritable perfectionniste, celui-ci va offrir l’écrin sonore nécessaire à Foreigner pour nous délivrer ce qui sera un véritable monument du Hard FM, ce quatrième opus sobrement intitulé "4", alors que son titre de travail était "Silent Partners".
Terminés les dernières errances folk et les titres chantés par Mick Jones ! Cette fois, chaque morceau est un tube en puissance, porté par les mélodies imparables du leader multi-instrumentiste, et élevé vers les sommets par le chant d’un Lou Gramm en état de grâce. Alors que le line-up ne compte plus de claviériste officiel, cet instrument prend une place de plus importante dans la musique de Foreigner, allant même jusqu’à assurer l’essentiel de la mélodie et de l’ambiance sur certains titres, en particulier la superbe ballade aérienne "Waiting For A Girl Like You", délicate et ne tombant jamais dans la mièvrerie. Le saxophone fait également une apparition incontournable, Junior Walker délivrant un solo légendaire au sein de l’irrésistible "Urgent", lui aussi destiné à marquer l’histoire du Rock.
Les pépites se succèdent, variant les tempi, même si la tendance générale est à muscler les propos. Le Hard-Rock se fait cinglant sur un "Juke Box Hero" à la redoutable d'efficacité ou sur un "I’m Gonna Win" sombre et agressif, alors que les mélodies sont lumineuses sans y perdre en énergie sur les accrocheurs "Night Life" et "Don’t Let Go". La démonstration vocale de Lou Gramm est quant à elle une véritable leçon, ce dernier sachant transmettre un panel d’émotions paraissant sans limite. Déchirant sur les titres les plus agressifs, émouvant et délicat sur les ballades, mêlant le tout sur le mélodique "Break It Up", le chanteur semble être le ciment apportant la touche finale à un ensemble cohérent, mariant à la perfection le double développement de titres plus Hard-Rock et d’éléments plus FM.
"4" s’impose comme un monument du genre, un de ces albums incontournables dont tout le monde a entendu au moins une fois chacun des singles et devant lequel se prosternent tous les amateurs du style, sans que les autres ne puissent le dénigrer. Si la perfection n’existe pas, Foreigner s’en approche cependant fortement avec cet opus que l’on peut écouter en boucle sans risque de lassitude. "4" a marqué une époque et l’histoire du Rock en général et réussit l’exploit de traverser les époques sans perdre de sa magie.