Moins réputée que la Pologne ou l'Ukraine par exemple, pays possédant certes le terreau tant historique que géographique propice à l'émergeance d'une scène extrême, la Hongrie n'en a pas moins vu émerger de son sol quelques groupuscules au talent inversement proportionnel à leur renommée. The Moon And The Nightspirit, Thy Catafalque ou le défunt Without Face (berceau de la chanteuse Julie de To-Mera, ne l'oublions pas !) comptent ainsi parmi les rares noms qui nous sont parvenus depuis une quinzaine d'années de ce vaste espace à la position médiane en Europe.
Pouvant désormais être considéré comme un véritable vétéran de l'art noir, Sear Bliss reste probablement celui que nous connaissons le mieux. Après des débuts qui les raccrochaient à la branche True Black, les Hongrois ont rapidement imposé une identité qui, bien que s'exprimant d'une manière différente de celle des Roumains de Negura Bunget, s'est elle aussi fondée sur le paganisme et l'emploi d'instruments à vents, tout en se parant (malheureusement) d'atours symphoniques. Malgré le succès rencontré par des albums Grand Destiny ou Forsaken Symphony, ces dernieres années ont vu Sear Bliss se faire plus discret, n'offrant même quasiment plus aucun signe de vie depuis The Arcane Odyssey en 2007. Ainsi, une retraite somme toute plutôt bien méritée semblait tranquillement s'annoncer pour lui.
Fort d'un tout nouveau deal avec Candlelight, association qui devrait lui conférer une exposition dont il a toujours manqué, la faute à Red Stream, structure certes culte mais à la promo souvent quasi inexistante, le collectif débarque pourtant après cinq ans de silence discographique sur nos platine avec un septième opus. De fait, certains le découvriront peut-être même avec celui-ci, ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise chose.
Mauvaise car Eternal Recurrence, en dépit de qualités sur lesquelles nous nous attarderons plus loin, peine à masquer les influences actuelles de ses auteurs, les oreilles plus que jamais braquées vers la Norvège et deux de ses enfants les plus novateurs, Enslaved tout d'abord, dont les nappes de claviers drapant "The Eternal Quest" ne manqueront d'évoquer les dernières efforts et Arcturus ensuite, pour les lignes de chant clair baroque et profonde balisant l'écoutes de titres tels que "A Lost Cause" ou "Ballad Of The Shipwrecked". Arme à double tranchant, ce tribut aux ainés du Grand Nord pourra aussi bien décevoir que drainer vers Sear Bliss un public qui ne le connaîtrait pas.
Bonne car cette nouvelle offrande devrait s'imposer comme une des meilleures jamais écrites par les Hongrois dont on aime toujours autant le recours à un instrument à priori aussi saugrenu car très peu utilisé dans le genre, que la trompette (?) que l'obscure puissance tribale qui les guident, témoin l'inquiétant morceau d'ouverture qui en réunissant ces deux caractères, vibre d'une beauté noire, mystérieuse et séculaire. Complexes et tortueuses ("The New Era Of Darkness"), épousant le plus souvent les traits de modelés lents quand ils ne sont pas mortuaires ("There's No Shadow Without Light") ou bizarres ("Entering The Seventh Gate" et ses voix étranges), ces compositions sécrètent une forme de poésie et une dimension cosmique déjà à l'oeuvre sur le disque précédent et que poursuit Eternal Recurrence dont seul l'aspect un peu inachevé, corrolaire d'une durée trop courte, et ce malgré une écriture précise et intelligente, viendra tempérer l'enthousiasme que succite le retour de ce groupe au charme certain.