Beyond The Bridge, est avant tout, une formation composée de sept personnalités ayant toutes en matière musicale des bagages professionnels ou académiques impressionnants . C’est ensuite l’envie commune de développer ses facultés à travers la création d’un album et dont l’enregistrement aura nécessité plus de trois ans. Imaginez maintenant ce que peut donner un tel processus créatif quand le style de prédilection est le métal progressif. Complexité, virtuosité, moments de bravoure, emphase, c’est un peu avec tout cela que jonglent ces jeunes Allemands sur cet album concept de plus d’une heure et qui traite de l’ « opposition entre la sensualité humaine et la conscience surhumaine ».
Facile avec autant de paramètres de sombrer dans l’exubérance stérile et de se prendre les pieds dans la franche caricature. C’est pourtant avec un talent indéniable que le vaisseau allemand barré par le duo vocale Herbie Langhans-Dilenya Mar nous emporte avec “The Old Man And The Spirit” pour son tout premier voyage mûrement préparé.
Dès le premier titre, “The Call”, BTB met la barre très haute en employant pourtant des recettes maintes fois réchauffées. Mais grâce à un sens insolent des courses épiques et un refrain ampoulé mais divin que Neal Morse n’aurait pas renié, cette amorce d’album préfigure les conditions de classe affaire avec lesquelles chacun sera transporté.
Bien que l’ossature de cet objet tentaculaire se taille dans un bloc de heavy metal, épique, souvent théâtral, de son côté la trame dramatique de leur concept-album incite à des détours dans les méandres du progressif, avec son lot de changements de rythme et de ripostes de chaque instrument à un rythme effréné. La référence Dream Theater (des années 90) n’est à ce titre jamais loin. Les claviers participent à ce feu d’artifice, grâce à une palette large de sonorités qui semblait aussi servir de décor pour des super-productions telles que "Home" de "Metropolis Pt1".
En tant que capitaines de navire, Herbie Langhans et Dilenya Mar jouent un rôle majeur, chacun leur tour ou lorsque l’un devient le chœur de l’autre. A moins que les projecteurs ne se braquent exclusivement sur la belle mélopée de Mlle Mar ("The Spring Of It All") voire celle de Langhans (le mélodieux et long prologue de "Where The Earth And Sky Meet"), le duetto fonctionne à merveille, la voix angélique de la demoiselle offrant un contrepoint délicat au timbre éraillé du bonhomme.
Pas véritablement de temps morts ne viennent au final alourdir le déjà tentaculaire colosse, chaque excès d’ardeur se succédant à des envolées de vrai lyrisme ou à des petites délicatesses. Avec un tel premier opus, Beyond The Bridge fait un bond de géant, bien au-delà du pont franchissant une mer de poncifs environnants. Comme quoi, le metal progressif a encore quelque beaux jours devant lui.