Bouche-trou malchanceux et mal-aimé au sein d'un Black Sabbath dont il a accompagné l'érosion commerciale - mais non artistique - entre 1987 et 1995, collaborant, en autres, à l'injustement méconnu Headless Cross ni plus ni moins qu'un des meilleurs albums que le groupe a signé depuis Born Again, Tony Martin végète depuis dans l'ornière de la seconde division, errant de disques solo (deux à ce jour, sans compter le prochain The Book Of Shadows) à des participations diverses plus (Star One) ou moins (avec The Guintini Project) notables où il donne parfois l'impression de courir après l'enveloppe, incapable de vraiment profiter de l'aura que le dinosaure anglais aurait dû tout de même lui conférer, quand bien même il reste associé aux temps sombres de ce dernier.
Une exception toutefois à retenir de cette quinzaine d'années inégales : son association avec le guitariste italien Dario Mollo, dont on se souvient de l'éphémère Voodoo Hill (deux albums d'un bon niveau avec le toujours impeccable Glenn Hughes derrière le micro). Auteur d'un Hard Rock mélodique de bonne facture avec The Cage I et II entre 1998 et 2002, le tandem semblait s'être malheureusement éteint peu après. Non sans surprise mais avec enthousiasme, nous accueillons donc le retour de Mollo/Martin (aussi connu sous le nom de The Cage) pour un troisième opus que près d'une décennie sépare de son prédécesseur.
Loin d'être rouillés, les deux lascars nous reviennent plutôt en forme et même plus Heavy que jamais. Illustrant ce durcissement de ton, "Wicked World" étonne franchement. Chargé d'ouvrir The Third Cage, il déboule avec une rythmique tellurique digne du Sabbat Noir des années 80/90 justement (c'était déjà d'ailleurs le titre d'une chanson du groupe britannique figurant sur le rare single Evil Woman) avec un Tony Martin quasi méconnaissable.
Dans ses grands moments, le duo n'est pas loin d'égaler son illustre modèle dont il adopte l'alliage entre enclumes ultra pesantes et envolées plus mélodiques. Gemme noir durant lequel le chanteur fait montre d'une puissance émotionnelle désespérée, "Oh My Soul" rivalise ainsi avec les déchirantes pulsations émaillant Cross Purposes ("Cross Of Thorns") ou Forbidden ("I Won't Cry For You"). Certes Dario Mollo n'est pas Tony Iommi mais reste toutefois un compositeur et un soliste au talent certain, dont le sens du riffing mélancolique impressionne ("Still In Love With You", "Violet Moon").
Dommage que la seconde partie de l'écoute soit parasitée par des pistes plus banales, à l'image de "Don't Know Waht It Is About You", englué dans des ambiances FM désuètes et hors de propos (également présentes sur "One Of The Few"), malgré tout sauvé par un Martin toujours convaincant ou bien encore de "Blind Fury"qui, bien qu'assez lourd, déçoit. De fait, si The Third Cage est incontestablement un disque solidement charpenté, qui nous offre qui plus est - et surtout ! - la chance de goûter de nouveau à la voix intacte de celui qui demeurera à jamais l'ex Black Sabbath, il ne peut s'échapper de la cellule de la série B. Bref, un peu à l'image de la carrière de Tony Martin...