S'il est un reproche qu'il n'est pas possible de faire aux britanniques d'Earthling Society, c'est d'être des dilettantes. Avec "Stations Of The Ghost" le groupe aligne son sixième album depuis la parution de son premier disque en 2005, preuve d'un rendement au-dessus de la moyenne.
Amateurs des musiques psychédéliques de la fin des années 60, du rock progressif des seventies et du krautrock, ce rock venu d'Allemagne à grand renfort de synthétiseurs, et pensant sans doute qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même, Fred Laird et ses acolytes mettent tous ces éléments dans un shaker, agitent vigoureusement et nous servent une musique au parfum d'antan.
Car c'est une impression de retour dans le passé qui frappe immédiatement l'auditeur, happé par le son de claviers vintage, de guitares graillonnantes et d'un chant sous-mixé. La production est volontairement noisy (comment exprimer ça en français ?), l'équivalent aux productions contemporaines de ce qu'une photo sépia est à un cliché pris avec le dernier appareil numérique de pointe. Ceux qui ont eu la chance de découvrir "More" de Pink Floyd sur vinyle auront une idée de ce que je veux dire.
Les compositions sont au diapason du rendu de la production : témoins nostalgiques d'une époque révolue où toutes les excentricités étaient permises. Là encore, les mânes de Pink Floyd se manifestent, la musique rappelant parfois celle de leurs deux premiers albums et le chant s'apparentant à une fusion des voix de Syd Barrett et Roger Waters. Ca, pour le versant psychédélique. Pour le versant space rock, c'est plutôt Hawkwind qui s'impose. Sans toutefois ressembler véritablement à l'un ou l'autre groupe, il s'agit plutôt d'impressions fugaces mais répétées.
Ce plongeon dans le passé aurait pu être une cure de jouvence. Ce n'est malheureusement qu'une sympathique tentative. Pourtant le court titre éponyme qui ouvre l'album, nébuleux et atmosphérique, laisse espérer le meilleur. Mais 'Dark Horizons' porte son nom telle une prophétie funeste : un pseudo rock psychédélique avec une grosse rythmique, une guitare électrique qui balance des riffs répétitifs et un chanteur qui y répond par des onomatopées. Sans grande inspiration et même un peu ridicule sur les bords.
Les deux titres qui suivent, 'The Last Hurrah' et le long 'Child Of The Harvest', sont d'un meilleur cru. Si les passages instrumentaux semblent un peu brouillons, les ambiances sont travaillées, à la recherche d'univers sonores variés, et tissent un patchwork agréable alternant moments contemplatifs et frénésies space rock. Le chant nonchalant et nostalgique est parfois un peu léger dans les aigus mais apporte une touche de fragilité intéressante par son à-peu-près, comme un écho fantomatique de Syd Barrett.
Les trois derniers titres conservent cette teinte rétro qui donne un côté plutôt sympa à l'album. Mais une fois dépassé le côté amusant du procédé, on tourne vite en rond à écouter une musique dont l'impression d'être brouillonne et mal mixée, même s'il s'agit de l'effet recherché, finit par lasser. La vague teinture orientalisante des deux derniers morceaux ne suffit pas à relancer un intérêt qui s'est amenuisé au fil du temps.
"Stations Of The Ghost" est un opus en demi-teinte. L'idée de faire revivre une musique quelque peu délaissée est attirante et permet au groupe de se démarquer des trop nombreuses productions formatées. Mais l'album manque de personnalité et les compositions sont trop semblables entre elles pour marquer durablement l'attention.