Avec son précédent album, "A", Jethro Tull avait agréablement pris à contrepied son public en livrant l'un des albums les plus nerveux de sa discographie déjà bien fournie. La pochette semblant tiré d'un roman d'héroic fantasy de "Broadsword And The Beast" annonce-t-elle un nouveau revirement de direction musicale, et le groupe s'apprête-t-il à nous délivrer un album aux tonalités résolument médiévales? Pas vraiment.
Avec "Broadsword And The Beast", Jethro Tull s'essaye à concilier ses deux principales inclinations : le folk pastoral et le Hard-Rock. Malheureusement, la tentative n'est pas pleinement couronnée de succès. A trop vouloir ménager la chèvre et le chou, l'album manque de caractère et ne réussit jamais à captiver réellement l'attention. Pas vraiment un mauvais disque, aucun morceau ne donne envie de se précipiter sur sa platine pour arrêter le CD, mais rien ne vient non plus inciter l'auditeur à appuyer sur la touche Replay.
L'album débute par un Hard-Rock un peu balourd dans lequel le mot-titre, 'Beastie', répété à satiété dans une sorte d'éternuement spasmodique, s'avère plus ennuyeux qu'entrainant. Cette impression de manque de dynamisme et de réchauffé se retrouve dans la plupart des titres : 'Fallen On Hard Times', 'Flying Colours' ou 'Pussy Willow' manquent de fantaisie et ne décollent jamais. Dans la même veine, 'Broadsword' est une chanson poussive malgré la légère coloration médiévale qu'apportent les sonorités de trompettes simulées par le clavier. Le pire reste à venir avec 'Watching Me, Watching You', titre agaçant et artificiel qui mélange les tonalités synthétiques à la mode des années 80 à trois notes de flûte, et dont le rythme haché et répétitif use les nerfs de l'auditeur. En parlant de flûte, force est de constater que celle-ci est singulièrement discrète tout au long de l'album.
Un peu au-dessus de la mêlée, 'Clasp' ressemble plus aux productions habituelles du groupe, modernisé par quelques touches de synthé. 'Slow Marching Band' est un hymne lent, chanté avec empathie par Ian Anderson, desservi cependant par une percussion peu inspirée. Enfin, 'Seal Driver' est un Hard-Rock réussi, complètement assumé par une basse qui galope et une guitare électrique qui s'envole enfin.
Sans être une véritable catastrophe, "Broadsword And The Beast" est un album mal ficelé, manquant d'inspiration et beaucoup trop linéaire. Seuls les trois derniers titres cités rappellent que Jethro Tull sait à l'occasion trousser de fort jolies chansons. C'est bien peu pour justifier l'acquisition de cet album.