Gardez-vous de la confusion, cette production éponyme est la toute première du duo canadien formé par Luke Doucet et par la belle et très romantique Melissa McClelland, rien à voir en conséquence avec l’équipage pléthorique du Whitehorse américain, ayant entamé sa carrière dans les années 70 - et officiant dans un registre rock beaucoup plus radical. Luke Doucet, multi-instrumentiste et compositeur, ne doit toutefois pas être classé au rang des débutants de la scène musicale, il a déjà signé 3 albums au sein de la formation Veal, et pas moins de 6 en réalisations solo, presque tous labellisés par Six Shooter Records. La confiance accordée par son producteur paraît solidement pérenne. Le parcours de Melissa McClelland, elle aussi compositrice et interprète, n’est pas moins foisonnant.
Le cadrage étant posé, quels sont les rivages vers lesquels nous invite ce couple aux allures évanescentes ? Hé bien, ne vous fiez pas aux apparences, la musique du Whitehorse canadien n’a rien de rébarbatif ni de soporifique. Cet album de lancement est sereinement philosophe, mais vibrant. L’âtre de la composition paraît rougeoyer d’une lueur chancelante, quand les braises, sous la surface, se révèlent brûlantes. En fait, on y trouve un peu de tout, mais il vous faudra l’écouter pour comprendre comment l’édifice s’avère aussi efficacement campé sur ses quatre jambes.
L’introduction pourrait être l’une de ces fines broderies de guitare acoustique dont Steve Hackett a le secret ; on a d’ailleurs la vague impression d’avoir déjà entendu cela quelque part, mais peu importe, la mélancolie insufflée par l’entrée en matière est si prégnante qu’elle semble proclamer la griffe intrinsèque de la composition. Pas pour longtemps : car la ballade épaisse embarquée par 'Killing Time Is Murder', sentencieuse et entêtante, vient très rapidement changer le décor. C’est le seul morceau où les deux partitions vocales sont simultanées de bout en bout (et superbement synchronisées); la complémentarité harmonique est telle que les voix de Luke et de Melissa ne font plus qu’une. Tendez encore un peu l’oreille : la première s’ingénie à dessiner le contour parfait de la seconde.
'Emerald' et 'I’m On Fire' se présentent quant à eux comme deux représentants d’un Folk-Rock aux accents country, aussi sincère que positivement communicatif dans son enthousiasme : la recette n’est pas nouvelle, mais quand elle est brillamment réalisée, on ne peut qu’applaudir et demander son rappel. Avec 'Passenger', dérivé de 'Passenger 24', un titre signé par Melissa et déjà présent sur son deuxième album solo (en 2006), la chanteuse donne libre cours à son talent d’oratrice ombrageuse et séductrice, avec une tessiture vocale tout à coup éthérée et caverneuse, à la fois fragile et sensuelle - même s’il est possible de reprocher au pachydermique contrepoint instrumental, martelé par la basse, son penchant trop voyant pour le 'Peter Gunn' des Blues Brothers. Enfin, 'Broken One' ne peut être écouté sans qu’il n’en émane un air de magie musicale des Beatles, mais revisité par un habillage de cordes électriques très contemporain; et 'Night Owls' amorce la clôture du projet sur une belle tonalité de romance, mi-rêveuse mi-nostalgique. L’album n’a qu’un gros défaut, et il est vrai que d’aucuns pourraient lui reprocher ce manquement aux exigences des standards de la production musicale : il est beaucoup trop court !
La vidéo officielle, à la suite de la chronique, réunit un panel d’échantillons sur le fil narratif d’une rencontre sans complexité scénaristique, mais avec des images très artistiques, empreintes d’un fort potentiel émotionnel. La musique y officie très efficacement. Un tableau aussi idyllique en vidéo qu’en coulisses ? C’est bien probable. Luke et Melissa se sont mariés il y a 6 ans déjà… Souhaitons que perdurent l’unité de cette harmonie et la conjugaison de ces deux inspirations musicales, pour que Whitehorse puisse nous procurer d’autres belles (et plus longues) déclinaisons.