"Crest Of A Knave" ou l'album de la résurrection ? C'est certainement ce qu'ont pensé les fans de Jethro Tull en découvrant cet album après le décevant "Under Wraps". Et même s'il ne s'agit pas complètement d'un retour aux sources, les qualités qui caractérisent Jethro Tull sont bien présentes.
Avant même d'écouter l'album, constater que Peter-John Vettese et ses synthés ont disparu du line up est un soulagement. De même, le retour (en tant qu'invités) de deux vrais batteurs sur la majorité des titres laisse présager que les épouvantables boîtes à rythmes font désormais partie d'une époque révolue. Certes, Ian Anderson a encore recours à une batterie programmée sur quelques titres, et les deux batteurs se fondent un peu dans le paysage, mais la section rythmique est beaucoup plus digeste que sur le précédent album.
Autre grande satisfaction, le retour en force de la flûte, présente sur de nombreux titres, nous régalant de ses interventions élégantes et se piquant de quelques solos des plus réussis. Lui tenant la dragée haute, la guitare de Martin Barre a rarement été à telle fête, alternant solos héroïques et pickings efficaces. Cette présence a peut-être valu au groupe de recevoir le Grammy Awards 1988 du meilleur groupe Hard-Rock / Heavy-Metal devant … Metallica. Mais si "Crest Of A Knave" contient quelques titres flirtant avec le Hard-Rock, il est difficile de le considérer comme un album de Heavy-Metal.
Effectivement, l'album déroule plusieurs titres musclés, tels 'Steel Monkey', 'Farm On The Freeway', 'Dogs In The Midwinter' ou encore 'Raising Steam', mais seul 'Farm On The Freeway' possède une réelle âme, les autres se contentant d'asséner une rythmique lourde (la faute aux percussions programmées sans doute) sur des mélodies peu inventives. Le reste est heureusement mieux construit, Ian Anderson ayant visiblement renoué avec l'inspiration. 'Jump Start' est un véritable retour aux sources avec un rock simple, enlevé, efficace, sans affectation. Le long 'Budapest' retrouve la voie des compositions complexes avec sa broderie instrumentale, le va-et-vient d'une mélodie qui s'élance, puis ralentit, pour finir par s'envoler, ses nombreux changements de thèmes et de rythmes. 'Mountain Men' et son faux-air médiéval n'est pas loin de ce que Jethro Tull réalisait de mieux à la fin des années 70.
Les compositions réussies, les belles interventions de flûte et de guitare, ne suffisent cependant pas à classer cet album parmi les chefs d'œuvre du groupe. Ian Anderson, qui a subi une opération de la gorge, n'a plus la voix si caractéristique qu'on lui connaissait, à la fois caustique et nasillarde. Elle est même étrangement lisse sur certains titres et manque parfois de dynamisme. Par ailleurs, par un étrange mimétisme, certaines chansons semblent extraites d'un disque de Dire Straits : un blind test sur 'Said She Was A Dancer' attribuerait certainement la paternité de ce titre au groupe de Mark Knopfler. Rien de désagréable en soi, mais de quoi surprendre les groupies du Tull.
En dépit de quelques faiblesses, "Crest Of A Knave" offre aux amateurs de rock bien léché quelques jolis moments de musique et gommera dans l'esprit des fans la vilaine impression qu'avait laissée l'album précédent.