S’il est désormais inutile de présenter Gavin Harrison, batteur de génie officiant depuis "In Absentia" chez Porcupine Tree mais aussi dans une moindre mesure pour Steven Wilson, King Crimson et en l’occurrence pour son projet presque solo Gavin Harrison & 05Ric (prononcez OfiveRic), il n’en est pas de même pour ce dernier qui pour l’instant n’a semblé attirer les lumières sur lui que par sa maîtrise impressionnante de sa basse 7 cordes.
A l’origine, cette collaboration de virtuoses est née du souhait de Harrison d’emprunter les chemins de l’expérimentation plutôt que de se pavaner dans de longues démonstrations techniques qui n’auraient fait que confirmer ce que beaucoup savent, Harrison est remarquable dans son domaine.
Et comme si cela ne suffisait pas, il gère aussi de manière tout à fait convaincante les parties de piano et guitares (accrédité du tapping pour être précis) tandis que son camarade de jeux improvisés redouble de faculté en occupant aussi la place derrière la guitare et le micro. Mais comme on aurait pu finalement s’y attendre connaissant le jeu de Harrison, ce sont par des rythmiques funky et jazzy qu’il établit son décor et y place des compositions aux éléments inextricables.
Malgré la notion d’expérimentation attachée à cet album que Harrison considère lui-même comme des « ondulations de morceaux et de sections », la partie batterie indépendamment du reste demeure loin de stériles abstractions. Le style reste très appliqué, extrêmement technique sans être foncièrement démonstratif et ne s’éloigne pas outre mesure des efforts auxquels il a jusque là participés. L’alambic musical que représente "The Man Who Sold Himself" vient même parfois flirter du côté des figures imposées que furent certaines élucubrations de Steven Wilson en solo ("Insurgentes") ou de King Crimson. Mais en tant qu’objet globalement improbable, il s’aventure là où des savants fous tels que Zappa ou pourquoi pas Liquid Tension Experiment avaient installé leur laboratoire.
Le soucis avec les expériences, c’est qu’elles amènent bien souvent à des résultats incongrus avant de trouver le dosage parfait. C’est un peu le diagnostic qui ressort d’une écoute de ce curieux objet. Tout ne semble pas vraiment tourner rond au sein de ce duo car en faisant dissoner guitares et cette basse (dite à tessiture étendue) biscornue alors que Harrison mène sa barque de son côté, l’émulsion créée n’est pas forcément des plus digestes. Cerise sur la gâteau, 05Ric s’exprime tout au long en sur-articulant volontiers les mots donnant un aspect quelque peu maniéré voire pénible au phrasé.
Voilà donc un opuscule destiné aux habitués du genre ou aux grands fans de Gavin. Sans cela, plonger un orteil dans cet océan baroque, c’est s’exposer rapidement à ne plus avoir pied voire se noyer sous le poids de la chose. A vos risques et périls…