Ceux qui ne le connaîtraient pas déjà et qui le découvriraient avec "Purgatorium", premier contact avec In Somniphobia, son nouvel et neuvième opus, véritable auberge espagnole théâtre d’un Metal extrême bordélique copulant avec des envolées néo-classiques, auront bien du mal à croire que Sigh fait partie des dinosaures du Black Metal auquel il a donné une des premières œuvres cultes avec Scorn Defeat ( 1993) alors qu’il était signé chez Deathlike Silence Records, le label d’Euronymous (Mayhem). Son origine alors (et toujours) insolite – le japon – aurait peut-être dû à l’époque nous inciter à plus de méfiance à l’égard d’une horde qui ne pouvait tout simplement pas vraiment suivre le même chemin que les brûleurs d’église norvégiens.
Ceci dit, ses premiers rôts n’auguraient franchement en rien de la suite à venir, une suite de plus en plus barrée et hallucinée. Majestueusement baroque pour certains, bastringue indigeste pour d’autres, In Sommiphobia ne laissera de fait personne indifférent, capable donc de faire fuir autant que de séduire les plus ouverts d’esprit d’entre vous. Les tenants de l’orthodoxie, qui du reste ont perdu tout espoir concernant ces Japonais un peu fous depuis longtemps, se boucheront les oreilles et crieront au massacre.
On ne peut leur donner totalement tort car du Black Metal sinistre originel, il ne demeure pour ainsi dire plus rien, si ce n’est la main mise d’un chant écorché. Sigh n’exalte plus l’art noir, le fait est entendu. Est-il pour autant devenu plus accessible et commercial ? Que nenni. Désormais samourai au service d’un metal extrême déglingué aussi peu aisé à suivre que le Drone de ses confrères de Boris où surnagent des grumeaux progressifs, le groupe nous convie à un pandémonium où le maître mot s’avère être plus que jamais la folie, contrôlée.. ou pas.
Pourtant passés des préliminaires douloureux qui ne donnent pas forcément tout de suite envie de remettre le couvert, on finit par pénétrer l’intimité de ces compositions, dont la durée (parfois pas loin d’une dizaine de minutes) ne facilitent pas toujours en outre leur absorbtion. Aux confins d’un opéra déjanté et d’une bande originale de film azimutée ("Opening Lucid Nightmare"), In Somniphobia porte bien son nom tant il nous donne l’impression d'errer entre cauchemar et réalité à la manière d’un dormeur somnambule. Saxophone déglingué ("The Transfiguration Fear") ou plus lancinant ("Amnesia"), orgue Hammond ("Somniphobia") comme échappé des années 70, chœurs maladifs, oripeaux symphoniques d’un héritage noir lointain ("Amongst The Phantoms Of Abandonned Tumbrils") fissurent une trame où le meilleur cotoie sinon le pire au moins l’indigestion.
Sigh a au moins ce mérite, celui de tenter la greffe, certes improbable voire incongrue parfois, de kystes baroque, classique, progressif ou plus atmosphérique à un organisme extrême. Ca dégueule donc de partout mais en s'éloignant de la veine plus symphonique de l'inégal Hangman's Hymn pour se rapprocher du délire métallique et gargantuesque de mise sur Imaginary Soniscape. Peut-être son oeuvre la plus achevée, les Japonais renouent avec le style qui a fait leur renommée.