Auteur avec Nihill de deux œuvres (Krach et Grond) d'un Art noir extrêmement glauque aux confins du Drone, ce n'est bien entendu pas pour exalter les blasts supersoniques à la suédoise, ni le satanisme bas du plafond, que celui que l'on connait sous le nom de Eikenaar décide de participer à un nouveau projet.
De fait, n'attendez pas de Dodecahedron une sorte de easy-listening du Black Metal. Nous en sommes loin, très loin même. Et si elle semble être à première vue plus accessible que ses faux frères jumeaux déjà cités, cette macération éponyme creuse un sillon identique - dans l'esprit du moins - des travaux matriciels de Blut Aus Nord (à partir de The Mystical Beast Of Rebellion s'entend) ou de Deathspell Omega, soit un Metal Noir vicié et aussi tortueux que torturé, aux modelés tranchants et austères comme taillés dans la pierre froide et grise d'obédience germanique.
Etouffant et d'une noirceur abyssale en cela qu'aucune source de lumière ni de chaleur ne vient jamais l'éclairer ni le réchauffer même timidement, ce premier méfait a quelque chose d'un bloc compact, massif qui se dresse telle une turgescence obscure gonflée d'une semence venimeuse. Les Hollandais n'ont nullement besoin d'écraser l'accélérateur ou de se peinturlurer la tronche pour sonner malsain et diffuser un vrai malaise, grâce notamment à ces guitares dissonantes qui ne filent jamais droit, vecteurs d'une lèpre vicieuse qui raclent la chair tout en s'insinuant dans les veines.
Après un début au souffle apocalyptique représenté par ce "Allfather", toutefois écartelé par un passage Ambient comme suspendu au-dessus d'un trou noir, puis "I, Chronocrator" d'une brutalité fiévreuse, l'album s'enfonce ensuite peu à peu, à partir des dix minutes de "Vanitas", dans un cauchemar aux portes du Doom mortifère où les Bataves font montre d'une science de la décrépitude rampante et de l'ambiance suffocante tout à fait admirable. Dès lors, en même temps que le tempo général s'engourdit de plus en plus, chaque titre est comme une marche supplémentaire vers l'indicible, les fosses Marianne étant atteintes avec le triptyque final, "View From Hverfell", monstrueuse figure labyrinthique et grisâtre aux atmosphères étouffantes érigeant une cathédrale assez monumentale dans sa noirceur crépusculaire.
Les Hollandais réussissent à instaurer un climat oppressant d'une pure négativité. A l'image du polyèdre à douze faces qui lui donne son nom, Dodecahedron, le groupe autant que l'album, constitue un ensemble énigmatique à l'origine d'un art noir supplicié et cérébral dont les clés de lecture ne nous sont pas livrées.