Girl Power. On ne saurait trouver meilleur slogan pour qualifier ce mouvement protéiforme qui voit les femmes peu à peu prendre le pouvoir – c’est très bien ainsi - au sein d’une scène metal pendant longtemps demeurée inféodée à la seule gent masculine, quand bien même une Doro, pour ne citer qu’elle, n’a jamais eu à rougir de la comparaison avec ses homologues couillus. Ces nanas ne sont ni des poupées barbies ni de vulgaires Castafiore du dimanche sans pour autant effacer une féminité souvent personnelle, énervée sinon énergique.
Une fois n’est pas coutume, la France n’est pas à la remorque de cette ®évolution, depuis le succès – mérité - rencontré par Eths, faisant de Candice sa chanteuse, quasiment le porte étendard d’une génération autant nourri au grain de l’extrême qu’au nu Metal. Alors qu’il diffère de son ainé sur bien des points, Kells est vu comme creusant un sillon identique, impression que la présence de Candice le temps du titre "La sphère" figurant sur son deuxième album, a pu contribuer à cultiver. Fondé à Lyon en 2001 autour du triangle constitué de Virginie Goncalves (chant), Patrick Garcia (guitare) et de Fabrice Desire (clavier), le collectif arborre un corps gainé de Metal symphonique dont il a partagé la scène avec certaines de ses têtes de gondoles telles que After Forever ou Epica, que recouvre un corset lourd et moderne tissé de gros riffs à l’américaine riches en matière grasse.
Plus que Gaia en 2005, c’est son successeur baptisé Lueurs qui nous a dévoilé les nombreux charmes d’une formation dont le nom d’inspiration celtique ne reflète en rien une musique solidement ancrée dans la réalité. Avec Anachromie, Kells a mis toutes les chances de son côté : une promotion via les réseaux sociaux active, mastering dans l'antre du mythique Sterling Sound sous la houlette de Ted Jansen, le soutien du puissant Season Of Mist qui jusque là ne s’était contenté que de distribuer l’effort précédent et une édition luxueuse sous la forme d’un double digipack enrichi d’un DVD. Comme les grands donc.
Gageons d’ailleurs que grands, les Lyonnais ne devraient plus tarder à le devenir. En constante progression depuis leurs débuts il y a (déjà) dix ans, ils en ont les moyens. Et les qualités. Parmi lesquelles il faut à tout prix souligner une maîtrise du canevas mélodique et du refrain qui fait mouche, à l’origine de compositions qui savent toujours accrocher dès les premières mesures. En ouverture, "Bleu" étale ce savoir-faire cependant que d’autres recourent avec bonheur à ses arrangements délicatement orchestraux ("L’écho") ou arabisant ("Illusion d’une aire"). Du mélancolique "L’heure que le temps va figer" à l’introduction gothique et obsédante de "Quelque part", en passant par le crépusculaire "Le manège déchanté", le groupe a soigné les atmosphères plus riches que sur les deux précédents opus.
Enfin, Kells ne serait bien entendu pas ce qu’il est sans la pierre précieuse qui lui sert de vitrine vocale. Oscillant (en français !) entre plusieurs registres, trempant sa voix dans une palette de couleurs variée, chatte doucereuse voire presque enfantine (l’excellent "Cristal") ou tigresse hurlante ("Se taire") quand elle ne saute pas franchement d’une tessiture à l’autre au sein d’un même morceau, comme elle le fait par exemple sur "Emmurés", rappelant alors un peu la généreuse Maria Brink (In This Moment). Anecdotique, la présence (heureusement) parcimonieuse d’un organe masculin, devra par contre le rester, comme l’illustre « Nuances » où le chant de truc ne paraissait vraiment pas nécessaire.
A l’arrivée, on ne voit pas trop ce qui pourrait empêcher Kells de goûter à un plus large succès O combien mérité. Un disque solide et personnel, l'appui d'un label de choix, il ne reste plus qu'aux médias et au public de le suivre. L'album de la confirmation.