Jonesy est un groupe britannique créé au début des années 70 par les deux frères Evan-Jones, Trevor et John, dont les relations tumultueuses auront rythmé une histoire quelque peu décousue. Quatre albums publiés en deux années, puis presque 40 ans d'attente avant de revoir l'ainé, Trevor, reprendre les rênes du groupe pour la sortie de Dark Matter, concept-album reprenant des titres écrits durant toutes les années où le groupe fut mis en sourdine.
Ami lecteur et potentiel auditeur de cet album, ou devrais-je plutôt dire de cet Ovni musical, prends une bonne respiration avant d'entrer dans le tourbillon progressivo-psychédélique proposé par nos amis. Après une introduction pianistique façon Rick Davies (Supertramp), qui s'avère totalement décalée du reste de l'album, Jonesy nous ramène 40 années en arrière, à l'époque des Meddle, Atom Heart Mother et autres Ummagumma : dans ces "univers parallèles", la mélodie sombre et planante se retrouve accompagnée par un Mellotron symphonique en diable, transportant l'auditeur dans un univers certes bien balisé, mais tellement envoûtant qu'on en redemande.
L'analogie floydienne va se poursuivre avec la plage suivante, Silently Screaming où, bruits de foule et d'hélicoptères associés à la musique, rappelleront quelques instants magiques de The Wall. Tout le côté sombre de Roger Waters est éminemment présent dans cette première partie d'album, mais Jonesy nous fait déjà le grand écart, avec quelques instants de "punk psychédélique" inséré dans ce titre.
Et les morceaux suivants vont continuer de balader l'auditeur qui, s'il ne se trouve pas doté d'une grande ouverture d'esprit, perdra vite pied au fil des minutes : guitare hawaïenne (Coldblood, part 1), expérimentations diverses et récitatifs, hurlements sur fond de guitares saturées (Coldblood, part 2, ou encore bluette sympathique, titres psychédéliques et chanson funkie à l'orchestration "cuivrée", le tout entrecoupé de passages symphoniques à la Moody Blues. Il devient alors difficile de se repérer dans tout cela, malgré un savoir-faire évident.
Si le propre de la musique progressive consiste à sortir des schémas traditionnels et de surprendre son auditeur, alors Jonesy répond parfaitement à la définition de groupe évoluant dans le sujet. Dark Matter est un album qui nécessitera plusieurs écoutes pour en apprécier toute la "substantifique moelle". Néanmoins, à trop vouloir forcer le trait, le groupe prend le risque de laisser une partie de son auditorat potentiel au bord de la route. Album à réserver à un public averti.