2008, Bay Area – Californie, le bassiste Tarik Ragab et la chanteuse Mooera Dickason s'associent, après avoir partagé les mêmes scènes, sous le nom de MoeTar. Epaulé d'une guitare, un clavier et d'un batteur énergique, MoeTar propose en 2010 un premier album qui interpellera plus d'un amateur de Rock Progressif au pays de l'oncle Obama. Le groupe propose un genre musical très original et frais sur un fond solide et culotté et cette seconde production pourrait bien propulser MoeTar bien plus haut dans les sphères du Rock Progressif si le milieu ne fait pas de leur originalité un défaut.
Le credo de MoeTar, c'est un Rock Progressif résolument Rock mais habité d'un psychédélisme pop très 70's. Chaleureux, optimiste et théâtral, il évoque tour à tour le Butterfly Ball de Roger Glover, Gentle Giant sur un opener addictif, Yes ou The Beatles tout en se lançant ça et là dans des élucubrations à la Frank Zappa ou en empruntant à la folie du Jazz Rock. Et c'est bon ! Cet album suffirait à lui seul à remplir de couleurs et chapeaux rigolos toute la garde robe du plus déterminé des Metalleux Gothique.
Derrière un groupe solide et investi, proposant des envolées lyriques et musicales nombreuses, des harmonies et ambiances riches à millions, débordantes et finement exécutées, se cache la maitresse à penser du groupe : la chanteuse Moorea Dickason. Et cette femme possède une voix incroyable sachant donner dans tous les registres qu'ils soient jazzy et langoureux ou plus Heavy. Jouant l'ironie, l'émotion, la colère, le drame avec une technicité et une conviction bluffante, elle se lance en harmonie avec la guitare en bien des occasions, lui volant aisément la vedette. Dans le parlé, sortant du ton ou du rythme, déclamant, envoyant du bois avec une théâtralité qui, il faut bien l’avouer, pourrait agacer, elle révèle tout son talent !
Citons à tout hasard 'Infinitesimal Sky' bucolique et ensoleillé chanté avec un sacré coffre, 'Butchers Of Bagdad' aux paroles très dures et curieusement gorgé de bonheur et de légèreté dans sa mélodie où Dickason chante en harmonie avec la guitare (qui balance d'ailleurs un solo énorme) et le spatial 'Random Tandem' aux mélodies aériennes où une fois de plus la chanteuse entre en compétition avec une guitare yessienne. 'Ist Or An Ism' est un Rock Progressif des plus classiques, avec suffisamment de gouaille et d'alambiques pour plaire aux plus puristes d'entre vous et 'Morning Person' fait part belle à une basse groovy et une guitare métallique. Seul 'Screed', plus bruyant et heavy, presque tragique, sort un peu du cadre même si la fin de l'album se veut généralement plus grave.
Et si le groupe tient la barre avec brio face à l'Ouragan Dickason, déclinant des progressions d'accords fluides et époustouflants, jaillissant et s'épandant là où la dame leur laisse la place, il va curieusement se venger sur la seule mélodie vocale calibrée de l'album. Ainsi, 'New World Chaos' au chant véritablement délicat et éthéré, voit le clavier et la guitare, la basse et la batterie se lancer dans un jazz prog' totalement freestyle. La réponse du berger à la bergère pour citer mon psy !
Dans un genre Rock Progressif solide et novateur, MoeTar est certainement une révélation en ce début d'année 2012, pour peu que vous accédiez sans grincer des dents au registre vocal de Madame.