« Crippled Black Phoenix n’ont pas de membres actuels de Mogwai, Gonga, Portishead, Pantheist, etc… » prévient d’emblée la formation sur son site, sans doute fatiguée qu’on lui rappelle trop souvent le prestige de certains anciens collaborateurs. C’est pourtant bien grâce à cette ligue de gentlemen extraordinaires que s’est tissée depuis 2004 cette réputation de super-groupe de sa Majesté.
De toute façon, la processus de fabrication ne peut que sous-entendre des contributions multiples, tant le patchwork réalisé par ce Phoenix Noir paraît vaste, allant du rock progressif au stoner en passant par le post-rock et le rock alternatif. Des courants musicaux pas forcément contigus mais étrangement en symbiose. Il valait mieux car ce double album concept traitant de la « corruption de l’humanité et de l’injustice, mais aussi au bout du compte de l’espoir que tout n’est pas perdu » s’affiche avec 86 minutes au compteur comme long et dense.
Comme pour appuyer des sujets nécessitant toute une palette de nuances, les Anglais jouent sur un spectre musical large, à commencer par un rock progressif très influencé par leurs homologues de Pink Floyd. "The Heart Of Every Country" s’acoquine par exemple avec leurs mouvements plus éthérés du début des années 70 alors que "In The Yonder Marsh" se rapproche d’avantage de élucubrations expérimentales d’Ummagumma. Plus le temps défile, plus ces vieux reflexes floydiens s’estompent vers des épisodes plus personnels mêlant rock progressif toujours mais aussi post-rock (le final de "A Letter Concerning Dogheads")
A l’opposé, la machine jusque là plutôt posée, s’enflamme sur le deuxième partie de la première galette le temps de scandements de rock alternatif ("Laying Traps") voire de stoner ("Born In A Hurricane" où des trompettes répondent aux guitares électriques ou encore "Release The Clowns")
Alors que presque une heure vient de s’écouler sur le premier tome de cette tentaculaire aventure, on retrouve sur le second volet le collectif en proie avec un rock sombre, torturé… doomesque. Le tableau est noir mais il éclaire de sa brillance. Et après une petite digression de blues en guise de pause ("Dig, Bury, Deny"), c’est au tour d’un folk mélancolique où bruissent guitares acoustique, piano, violon et trompette ("Operation Mincemeat") de se faire entendre avec délicatesse.
Œuvre luxuriante, complexe, parfois éprouvante (à l’instar du dernier pavé de près d’un quart d’heure), elle n’en demeure pas moins captivante dans son ensemble. Même si quelques segments auraient sans doute pu être raccourcis, le travail de titan des Britanniques mérite un profond respect qui semble s’affermir d’album en album.