Quand il décide de mettre sur les rails Nightingale, Dan Swanö connaît probablement la période la plus active de sa carrière. Tandis qu'il voit défiler dans ses studios Unisound, tous les groupes extrêmes que compte alors la Scandinavie, du black (Marduk, Dark Funeral, Dissection) au dark (Katatonia), du death (Opeth) au doom (Tristitia) en passant par le gothic (Theatre Of Tragedy), le Suédois, alors à peine âgé d'une vingtaine d'années (!!) trouve encore le temps de mener de front autant de projets que les 24 heures d'une journée bien remplie le lui permettent : Edge Of Sanity, Pan.Thy.Monium, Infestdead, Godsend...
Peut-être lassé par toute cette violence sonore qu'il côtoie ou qu'il enfante à longueur d'année, l'homme ressent alors, le temps d'un nouveau projet, le besoin de prendre ses distances avec cet environnement extrême afin de retourner vers ses racines musicales qui s'enfoncent autant dans le death que dans le hard-rock et le rock progressif. Tout seul, il s'enferme donc dans son studio et enregistre en une semaine ce premier essai de Nightingale. S'il n'est pas totalement abouti, The Breathing Shadow défriche néanmoins des pistes intéressantes.
De fait, il est un album hybride, peu aisé à cerner, fruit d'un esprit aventureux, ouvert et schizophrène. Au gré des titres, souvent assez longs, lents et mélodiques, sombres parfois (l'inquiétant "Alone ?"), voire effrayants (le cri inhumain à la fin de "Eye For An Eye", qui du reste, achève l'écoute), Dan Swanö nous entraîne dans son univers musical, oscillant entre rock progressif, métal atmosphérique, hard FM et musique électronique, à l'image du remarquable "Higher Than The Sky".
Concept-album mystérieux, The Breathing Shadow souffre sans doute de son caractère bricolé en studio, quand bien même le Suédois se révèle un musicien complet et talentueux. On le savait batteur et hurleur, on le découvre aussi fin chanteur et c'est là que réside la principale force, en plus d'une inspiration toujours en éveil, de cette cuvée séminale. Swanö possède un organe vocal merveilleux, à vous filer le frisson à chaque fois qu'il ouvre la bouche. Chaude, profonde et carrément sensuelle, sa voix transporte le disque vers des cieux inaccessible qu' il aurait eu bien du mal à atteindre sans elle. Nightingale prouve que derrière le guerrier du death-metal se cache un homme sensible ; il ouvre ainsi une porte sur le jardin secret de son passionnant géniteur.
En cela, The Breathing Shadow est une œuvre rare, à peine entachée par quelques menues faiblesses, dont un goût parfois prononcé pour les mélodies sirupeuses comme répandues par un synthé exhumé des années 80.