Un groupe libanais qui fait du rock et se retrouve distribué au niveau international, ce n'est pas très commun... Quand vous saurez qu'en plus, il s'agit d'un mélange de metal alternatif avec des touches progressives, orchestrales et, bien évidemment, des éléments de musique orientale, vous aurez compris qu'il ne s'agit pas d'un album quelconque !
Les musiciens de The Kordz n'en sont pas à leur coup d'essai puisque le groupe existe et tourne depuis près de vingt ans ! Leur carrière discographique est beaucoup plus récente… Et restreinte. En fait le groupe n'a sorti qu'un EP, dont on retrouve le titre "Last Call" sur ce disque et cet album est déjà sorti localement en 2011, avant que la maison de disques allemande Edel/EarMusic ne prenne en charge sa distribution internationale.
Parmi les influences des membres de The Kordz, on trouve pêle-mêle les noms de Pink Floyd, The Doors, Led Zeppelin, Genesis et… Porcupine Tree, décidément omniprésent dans les goûts d'un nombre impressionnant de musiciens contemporains. Le groupe tourne aujourd'hui autour de deux membres fondateurs (Moe Hamzeh et Mazen Siblini, respectivement chanteur et claviériste), plus le guitariste Nadim Sioufi, résidant actuellement au Canada. D'ailleurs, "Beauty & The East" a été enregistré en partie au Canada, notamment avec la contribution de deux musiciens de studio canadiens, parmi lesquels on trouve le batteur du défunt groupe The Tea Party, Jeff Burrows. Le trio est par contre complété en live par deux, voire trois autres musiciens libanais. Au quintet ici présent se rajoutent bon nombre de musiciens de session libanais, intervenant assez souvent ici et là, complétant les arrangements avec des cordes, des flûtes ethniques, des percussions et instruments à cordes divers (du oud peut-être). Ils ne sont pas cités dans le communiqué de presse, malheureusement.
Sur ce CD, le groupe aborde une large palette de styles tout en étant assez focalisé autour d'un metal mélodique qui se rapproche vaguement du genre dit "alternatif". Entendez par là : pas ou peu de solo de guitare, des roulements de batterie et des morceaux plutôt courts ! Néanmoins il y a cette influence assez nette de Led Zeppelin, dont les amateurs se remémoreront avec plaisir le fantastique "Kashmir", point culminant de leurs titres influencés par les musiques orientales. Et puis il y a ces claviers omniprésents, pas mal de piano, des orchestrations fréquentes, ce qui fait une belle différence par rapport à ce que l'on appelle d'habitude metal ou rock "alternatif". "The One" témoigne de la même influence mais sur un tempo plus lent, avec une batterie pachydermique contrebalancée par une mélange de guitare acoustiques et électriques assez inhabituel, du moins au début. Autre différence et elle est de taille avec les groupes de rock habituels : les influences de musiques orientales sont adaptées pour être accessibles au plus grand nombre…
"Coma Nation" ouvre l'album par une introduction atmosphérique avec claviers étranges, piano et bruitages divers pour un morceau rapide, puissant et accrocheur à la fois ("Deeper In "), avec une guitare pas trop lourde mais de plus en plus présente, des vocaux en chœur et une mélodie orientalisante envoutante. Moe Hamzeh possède une voix medium très légèrement nasillarde et semble-t-il légèrement traitée, comme passée à travers un filtre, comme le fait souvent Steven Wilson. "Nothing Or Everything" reste dans cette veine, avec des passages hachés sur des boucles de synthés aux sons artificiels. Le rythme et le ton se calment un peu sur le très orientalisant "Insomnia Kid", où le côté orchestral mélangé aux sonorités électroniques évoquera pour certain l'album "Mighty Rearranger" de Robert Plant, même si les guitares sont plus rock. Avec "Get behind" le groupe frôle déjà la répétition mais heureusement, le reste apportera du changement.
Le ton se durcit parfois légèrement, avec des guitares plus lourdes, et des voix plus ou moins distordues, comme sur "Heroes 'N' Killers" et "The End" mais on ne tombe jamais dans un style bruitiste ou extrême. Ces musiciens savent alléger leur propos, comme par exemple sur "Again", une ballade rock au tempo moyen.
Le côté ethnique revient en force avec des instruments à cordes traditionnels sur le morceau éponyme plutôt instrumental avec seulement des vocalises et une jolie orchestration, sorte de très longue introduction pour le titre "Last Call" sorti apparemment en single, et avec raison tant il est accrocheur. C'est ici que l'on redécouvre comme la musique orientale peut se mêler avec bonheur au (hard)rock et à la musique européenne comme Led Zeppelin, Rainbow et quelques autres ont pu le faire dès le début des années 70… et pourtant Robert Plant disait que ce morceau était une interprétation ouvertement européenne d'une certaine forme de musique orientale. Et bien c'est ainsi, The Kordz sait rendre sa musique très accessible, tout en développant bien souvent une atmosphère légèrement sombre, dramatique, voire presque mystique ."Save Us" et "Don't You Want" appartiennent à cette veine, leurs mélodies très fortes en faisant deux sommets de l'album.
Le groupe sait ménager des contrastes et des évolutions dans certains de ses morceaux qui prennent ainsi une tournure plus ou moins progressive. C'est le cas sur "The Garden", qui se présente en majorité comme une délicate ballade acoustique avec une partie centrale plus dramatique. Le titre se fond dans "Purgatory", titre épique plus puissant mais poignant, qui culmine avec un solo de guitare simple mais lyrique. Le dernier morceau "Nic-O-Teen" est un rock linéaire, rapide et vraiment très accrocheur, concluant de manière simple et sympathique un disque très bien rempli (plus de 63 minutes au total pour pas moins de seize morceaux !).
"Beauty & The East" est un album inattendu, mature et vraiment bien produit, riche et relativement varié qui mérite un véritable succès international. Espérons que The Kordz saura vite donner une suite à la hauteur de ce premier effort discographique...