La relative heure de gloire d'Overkill n'aura pas duré très longtemps : une demie décennie à peine. Le temps d'une poignée d'albums, certes moins mémorables que certaines bombes lâchés par les titans de la Bay Area, mais qui se laissent encore écouter avec un réel plaisir plus de vingt ans après leur réalisation. A l'époque, le thrash est le mouvement dont toutes les majors se doivent de posséder un des émissaires dans leur catalogue. Le géant Atlantic, via Megaforce, a décidé de miser sur ce gang new yorkais. Mais le succès sera éphémère, comme sa carrière en dents de scie l'illustrera, ce qui n'entamera pas le statut de groupe culte qu'il se forgera peu à peu à la sueur des salles écumées sans cesse.
Pour l'heure, le ciel est encore dégagé en cette fin des années 80 pour les thrashers menés d'une main de fer par le duo Bobby "Blitz" Ellsworth derrière le micro et le bassiste D.D. Verni. Sans valoir ses premiers méfaits, The Years Of Decay reste un (très) bon album d'Overkill. Comme on ne fait pas ici dans le hard FM 'glamouze', l'ensemble débute sur les chapeaux de roues avec les hyper speeds "Time To Kill", "Elimination" (transpercé par un furieux solo de guitare), et "I Hate", dont les noms fleurent bon la poésie, l'amour de son prochain et les petits oiseaux. Que du conventionnel donc, mais à l'efficacité éprouvée.
Puis le groupe semble décider à emprunter des chemins de traverse afin de prêcher la bonne parole du métal extrême. "Nothing To Die For" est parsemé de passages plus singuliers, surtout lui succède le surprenant, tant par sa longueur inhabituelle (plus de 10 minutes) que par son mid-tempo reptilien et lancinant, "Playing With Spiders / Skullkrusher". Epique et malsain, ce titre étonne de la part du gang, et rassure quant à sa capacité à évoluer et à s'extraire d'un cadre bien codifié, ce que ses débuts à l'énergie quasi punk ne laissaient guère promettre. D'autant plus que ce morceau ne souffre pas de solitude au sein d'un disque qui comprend deux autres sommets eux aussi moins speed, plus complexes, jouant davantage sur les ambiances oppressantes : le lent et pesant "Who Tends The Fire", dont le caractère ultra heavy le propulse parfois aux confins du doom, en parfait contraste avec de sanglantes accélérations, et "The Years Of Decay" et son début acoustique, prélude avant la tempête, tous deux conduits par la voix puissante et malsaine à souhait du Blitz.
Un album à réévaluer d'urgence et qui démontre si besoin en était qu'Overkill est capable quand il le veut de sortir des sentiers battus. Sans doute aurait-il dû le faire plus souvent.