S'il s'est rapidement imposé comme un leader incontournable du Death-Doom à la finlandaise, Swallow The Sun a vu sa réputation dépasser les limites de ce style avec "New Moon" en 2010. Sans être une véritable nouveauté dans l'identité du groupe, ses éléments atmosphériques et sa profonde mélancolie ont éclaté au grand jour grâce à un soutien important de Spinefarm et à une tournée commune avec Katatonia. Affublé de cette nouvelle notoriété, le combo du torturé Juha Raivo est donc attendu au tournant avec son nouvel opus doté d'une belle et inquiétante pochette, et intitulé "Emerald Forest And The Blackbird".
Une nouvelle fois, le sextet de Juväskylä s'engage dans un album concept narrant cette fois l'épreuve d'un père préparant son fils décédé au long voyage. Les éléments désormais récurrents sont toujours présents tels que l'alternance de chant clair et de growls death, voire de hurlements black, des ambiances d'une profonde obscurité sur des tempi pour lesquels la lenteur prédomine, le tout plongé dans des ambiances aériennes portées par les claviers d'Aleksi Munter. Pourtant, "Emerald Forest And the Blackbird" nécessite de nombreuses écoutes pour révéler la plupart de ses trésors. En effet, lourd monolithe de plus d'une heure, il ne propose que peu de surprises et rebutera les amateurs de facilité artistique.
Au rayon des titres inattendus, 'This Cut Is The Deepest' retiendra l'attention, ballade mélancolique dont le chant clair de Miko Kotamäki porte toute la tristesse, faisant parfois penser à Anathema, calme avant la tempête d'un 'Hate, Lead The Way!' bien-nommé et nous crachant sa rage tel un jet d'acide en pleine face. Cette fois, les hurlements black et les blast déversent un tempo rapide et glacial qui brise la délicatesse du titre précédent. La note commerciale (cela reste relatif) est apportée par la présence d'Anette Olzon sur un 'Cathedral Walls' revenant dans des sphères lentes et atmosphériques dominées par le chant clair et seulement interrompues par un break death tranchant (trop ?) avec l'ambiance mélancolique, ceci d'autant que la vocaliste de Nightwish s'aventure ici dans une interprétation plus aérienne qu'à son habitude. Enfin, parmi les trois principaux pavés dépassant allègrement les 8 minutes, 'Labyrinth Of London' quatrième partie de la suite 'Horror' déclinée sur plusieurs albums, s'impose comme le titre le plus ambitieux et le plus intéressant, véritable monument de prog-death alternant tempi et ambiances, refrain mélodique et accrocheur et claviers tragiques. Enfin, nous n'oublierons pas le riff obsédant du puissant 'Of Death And Corruption'.
Voici donc quelques pistes pour s'accrocher à la découverte de ce "Emerald Forest And The Blackbird" qui, à l'instar de son titre éponyme déversant ses presque 10 minutes en introduction, est difficile d'accès mais mérite que l'on insiste dans son étude. Epique et sombre, alternant mélancolie aérienne renforcée par la présence des chœurs de la désormais fidèle Aleah Stanbridge (Trees Of Eternity), passages lourds et breaks propulsés par de grosses guitares, il résume un album dont les prises de risques sont limitées mais qui s'appuie sur une recette qui a fait ses preuves. Un album qui fera rentrer l'hiver finlandais chez vous mais qui, si vous prenez la peine de vous préparer à sa rudesse, vous permettra d'en découvrir les paysages si particuliers et attachants.