Quand on s'attaque aux piliers fondateurs du Blues-Rock, il vaut mieux avoir quelque chose à dire et en avoir dans le pantalon. Et en plus, il a le culot d'intituler son album "Blues Deluxe" ! Qui d'autre que Joe Bonamassa pouvait décemment oser une telle chose ? Après deux années de tournée intensive, Joe revient, avec ce troisième album, dans le monde des covers, et pas des moindres : B.B King, John Lee Hooker, Buddy Guy, Albert Collins, Robert Johnson… La recette est simple, le sépia pour l'ambiance, les lunettes et la chemise pour le côté classe et une guitare.
Au son cru mais très propre, c'est 'You Upset Me Baby' qui lance la machine avec un shuffle groovy délicieux. 'Burning Hell' fait doucement monter la pression pour ensuite éclater à la sauce Hooker, avec la puissance et l'énergie d'un Bonamassa propulsé par un groupe à son top. La voix de Joe prend de la profondeur et de la couleur à chaque nouvel album, le jeu de guitare s'affine encore, se nuance et "Blues Deluxe', qui devait au départ être un simple album de reprise, aura un impact sismique dans le monde de la musique et restera, même au Royal Albert Hall en 2009, un des paniers de pioche favori pour ses interprétations live.
'Blues Deluxe', la plage nucléaire de l'album, l'incarnation du Blues par excellence aux dires du maître, est tout simplement énorme. Joe, chantant avec son cœur, y joue de la guitare comme jamais, l'agrémentant de jeux de micro, de vibrato, de moulinets furieux et de picking. Ce titre en laissera plus d'un K.O, en live (voir ci-dessous) comme derrière la platine, volant presque la vedette à Jeff Beck lui-même. Mais après tout, Joe joue ici dans sa propre cour. Ajoutez à ce départ tonitruant les ternaires et chaloupés 'Man Of Many Words' remis au gout du jour et au groove rehaussé d'Hammond, et 'Wild About You Baby', les Rock N' Roll 'Pack It Up' et 'Leftovers' (un instrumental joyeux gavé d'orgue) et vous obtenez l'un des tout meilleurs albums de reprise des classiques du Blues, toutes générations confondues. Pour les fins gourmets, ajoutons en guise de dessert le 'Walking Blues' de Robert Johnson dans une version électrique au riff à la limite du Early Doom de Sabbath.
Les trois seules compos de Joe devaient assurer un sacré challenge dans un tel environnement et une fois de plus, le défi est gagné haut la main. 'Woke Up Dreaming' se pare d'un jeu de guitare sèche bluffant et d'une vélocité incroyable. Une voix, une guitare, de l'inspiration et le tour est joué (en écoute ici). Sa suivante; langoureuse, laisse le blues couler en vous et le final 'Mumbling Word', exécutée au bottleneck, vous laissera, après une telle claque de pure talent, pantois au beau milieu d'un bayou infestés de moustique et au taux d'humidité avoisinant les 90%.
Incontournable, indispensable, si vous ne connaissez pas le Blues, vous ne pourrez qu'adhérer au style à l'écoute de ce joyau et vous, fan de six cordes, vous risquez fort de détrôner l'un des vos guitaristes favoris après une telle écoute, on vous aura prévenu.