Ce n'est pas une critique mais reconnaissez qu'il n'y a bien que Black Widow pour oser sortir un album tel que ce jet séminal de Tiresia Raptus. Parce que celui-ci est italien ? Oui. Parce que celui-ci bricole un rock bizzaroïde ? Surtout.
Ce projet parallèle est né de la volonté d'une poignées d'activistes de la scène métallique romaine, prêchant au sein de la chapelle Doom (Doomraiser, Black Land) ou Gothic (The Foreshadowing) d'explorer la face la plus sombre du rock psychédélique dont ils offrent une vision hallucinée réclamant une une large ouverture d'esprit pour être appréciée à sa juste valeur.
De fait, Tiresia Raptus devrait en laisser pas mal sur le bord de la route avec sa prise de son garantie 100% vintage, ses riffs sous acide et une construction au mieux étrange, au pire confuse. Courte, soit une petite trentaine de minutes à peine, cette œuvre au goût d'inachevé écarte les cuisses avec un petit prologue inquiétant où résonne le barrissement d'un animal inconnu, dérive ensuite entre titres assez rock, piste instrumentale ("Raptus", excellent au demeurant avec ses grattes qui galopent à la Maiden des débuts) ou presque ("Guardiano Della Soglia") pour s'achever sur une note bordélique qui ne ressemble à rien.
Ceci étant, bien que singulier, le début de l'album reste relativement accessible, avec "Memorie Dal Sottosuolo", que berce un chant en italien qui retrouve les envolées colorées de la fin des années 60, cependant que derrière, les instruments, dont une basse toute en rondeur, tissent un canevas feutré aux relents de pipe à eau. C'est délicieux et charmant, porte ouverte sur une période fantasmée synonyme de liberté.
Déjà, "Dal Kimbo" est parasité par des lignes vocales au ton théâtral et des accords intriguants, mais l'ensemble convainc par sa partie instrumentale rythmée. Entre effluves nébuleuses noyées sous les effets, et batterie qui semble ne jamais filer droit, on sent pourtant qu'il ne faudrait pas grand chose pour qu'on commence à s'éloigner du rivage et à perdre pied. Si par la suite, "Viracocha", le morceau le plus Heavy, nous ramène un temps (seulement) sur la terre ferme grâce à sa falaise rythmique et son solo de guitare jubilatoire, la seconde partie du programme nous entraîne dans un no man's land déglingué qui culmine lors du terminal "Jesod" dont la folie l'arrime au progressif crimsonien. Cette voix féminine assez peu agréable finit d'achever même les plus patients.
Avec cet album improbable aux confluents du proto-Doom, du Rock psyché enfumé et d'un Dark prog spatial et ésotérique, prétendre que Tiresia Raptus ne facilite pas l'accès à son univers tient de l'euphémisme. Mais il y aura bien quelques amateurs de trucs bizarres tels que votre serviteur, pour y prendre leur pied et souhaiter que les Italiens n'en restent pas là...