Quand il ne signe pas des artistes nostalgiques croyant encore que l'on n'a rien enfanté depuis le Machine Head de Deep Purple (Wicked Minds par exemple), ou ne joue pas les historiens rééditant des perles (un peu) oubliées (dernièrement, Doris Norton), le label Black Widow aime bien se lancer dans l'archéologie. Passant au tamis le Rock italien, il vient ainsi de déterrer un objet resté inédit depuis sa conception entre 1970 et 1972. Il s'agit du premier - et unique - album de Spettri, formation apparue au milieu de la décennie précédente mais dissoute avant de voir le fruit de ses enregistrements faire l'objet d'une sortie officielle. Ces bandes, demeurées depuis sur une étagère, ressuscitent presque quarante ans après, pour le plus grand plaisir des amoureux de cette patine seventies si chaleureuse, véritable Saint Graal après lequel ne cessent de courir les groupes d'aujourd'hui.
Car là, pas de doute à avoir, cet opus n'est ni une copie, ni un hommage ou un truc "à la manière de". L'analyse au Carbone 14 ne trompe pas : cela a bien été capturé à une époque lointaine où des musiciens se retrouvaient encore pour enregistrer sans l'aide dépourvue d' âme des ordinateurs. La prise de son, qui fleure bon l'authenticité, a peut-être vieilli mais possède ce charme inimitable. Un peu à l'image de ce petit groupe, sorte de version transalpine de Vanilla Fudge en plus progressif, distillant un Rock psychédélique en langue nationale et piloté par un orgue "jonlordien" qui dégueule (forcément) de toute part.
L'œuvre éponyme, concept en quatre mouvements auxquels se greffe une intro, s'ouvre sur "Stare Solo", sans doute son titre le plus marqué par un Hard-Rock qui se cherche alors encore. Le plus ramassé également. On pense clairement à la formation culte de Tim Bogert et Carmine Appice grâce au chant de Ugo Ponticiello, cependant que le guitariste accouche d'un solo réjouissant et bien dans le ton de l'époque. Que du plaisir donc !
Introduit par un orgue aux tonalités liturgiques, par ailleurs distillées à travers tout l'album, "Medium" dévoile le visage le plus psyché de Spettri, lente pièce de près d'une dizaine de minutes où six cordes et claviers se répondent lors d'un long pont instrumental aux accents purpliens et orgasmiques. Quelques notes acoustiques posées par une guitare à la saveur méditerranéenne, un orgue généreux échappé d'une église, puis "Essere" peut enfin démarrer, montée en puissance tragique aux multiples pans aux confins du Rock progressif. Dernier des cinq morceaux, "Incubo" est une longue plage assez Rock où la guitare a la bonne idée de moins s'effacer au profit des claviers, à la construction plus aventureuse et à dominante instrumentale.
S'il serait exagéré de faire de cet album orphelin à l'ambiance générale assez sombre, un vestige oublié, le fait est que l'on tient là un bon exemple de ce savoir-faire italien, toujours à la remorque de la mode mais au demeurant sympathique.