Ce qui est impressionnant avec Opeth, c’est que chaque fan aura un album favori différent des autres, chacune (ou presque) de leurs œuvres étant de véritables références. De "Orchid" à "Watershed" en passant par "Blackwater Park", les Suédois ont en effet toujours su se renouveler, sans jamais se complaire dans le style qui leur est propre, proposant ainsi à chaque fois un album de qualité et même parfois des incursions dans le rock progressif pur et simple, comme en témoignent «"Damnation" ou plus récemment "Héritage".
"Morningrise" fait partie de ces albums considérés comme de véritables piliers de l’œuvre d'Opeth. Il constitue en effet un grand pas en avant pour le groupe car les idées poétiques, romantiques et progressives de leur premier opus, "Orchid", ont ici commencé à se développer pour donner des titres plus fins et subtils. Il suffit de jeter un œil à la durée des morceaux pour comprendre qu’Opeth a décidé de prendre une voie plus progressive sans pour autant délaisser le Death Metal, base intrinsèque de sa musique. On retrouve donc les parties de growl qui se font néanmoins plus rares, laissant la place à un magnifique chant clair dans des breaks mélodiques et acoustiques forts agréables, comme sur ‘The Night And The Silent Water’.
Les riffs de guitares se font en outre beaucoup plus mélodiques, comme en témoigne l’introduction du titre cité plus haut ou ‘Black Rose Immortal’. La plupart des morceaux s’articulent donc sur des successions de riffs soutenus par du growl et de breaks mélodiques sur lesquels Mikael Akerfeldt nous montre ses talents de chanteur, une structure qu’ils n’abandonneront plus jamais, faisant d’Opeth une formation schizophrène dans laquelle les deux facettes se complètent pour le meilleur à la manière d’un duo Gilmour/Waters. Mais s’il y a bien une chose qui est mis en avant sur cet album, c’est la basse de Johann DeFarfalla qui nous propose des parties groovy et mélodiques, complétant bien souvent le chant clair (‘The Night And The Silent Water’ ou ‘Nectar’). La batterie apporte également un caractère singulier à la musique, car peu violente pour du métal, parfois même un peu groovy sur les parties acoustiques.
Malheureusement, la production de l’album laisse à désirer : les sons de guitares sont brouillon tout en étant criards, le growl est loin d’être parfait et cela ne met pas en valeur les compositions qui sont réellement de qualité en particulier la superbe pièce de 20 minutes qu’est ‘Black Rose Immortal’. Soulignons de plus que les transitions entre les différentes parties des morceaux ne sont pas très subtiles, gâchant parfois le charme que pouvait avoir tel ou tel passage acoustique. Mais s’il y a bien un point noir au tableau, c’est l’ajout dans la réédition de 2000 de ‘Eternal Soul Torture’, une bouillie sonore que l’on qualifiera d’erreur de jeunesse de la part des membres du groupe.
En dehors de ces quelques défauts, "Morningrise" reste une œuvre de qualité et à écouter dans la discographie du groupe, car elle clôt une période tout en en commençant une nouvelle : celle où la mélodie et la poésie deviennent des parts inhérentes de la musique unique et exceptionnelle d’Opeth.