L’histoire du Rock ne manque pas d’exemples de résurrections tardives. Mais il n’est pas possible de passer à côté du retour de Sebastian Hardie sans avouer sa stupéfaction : se positionner comme un précurseur du Rock symphonique en Australie au milieu des années 70, à l’époque florissante du Progressif et de ses filiales, puis tomber dans l’oubli discographique jusqu’en 1994 n’est sûrement pas quelque chose de banal. Signer un nouvel album studio, 18 ans plus tard, encore moins !
Flashback. 1975 et 1976, Sebastian Hardie frappe coup sur coup deux galettes de son sceau, "Four Moments" puis "Windchase", qui vont bénéficier d’un accueil international très favorable; ces albums sont distribués par Polydor et Mercury. Pourtant, divers obstacles dont les aléas de l’édition vont briser net cet élan créatif : selon toute vraisemblance, c’est l’avortement d’une aventure qui avait trop bien démarré. Mais en 1994, coup de théâtre : le Prog Fest américain exhorte les Australiens à reformer le groupe, pour participer à l’édition annuelle du festival. Sans trop comprendre ce qui leur arrive, nos musiciens s’embarquent pour Los Angeles. S’ensuit un album live, puis, tout doucement, la machine scénique se remet en route les années suivantes. Au prix d’énormes difficultés, mais poussés par une volonté renaissant de ses cendres, quatre figures du line-up d’autrefois reprennent leurs armes musicales pour réanimer Sebastian Hardie, tant et si bien qu’en 2012 enfin le projet sera concrétisé. Voici donc "Blueprint", 3ème album studio… 36 ans après "Windchase" !
Le verdict de Music Waves ? L’essai est transformé avec brio. "Blueprint" est porté par une musique pluridimensionnelle, mais parfaitement homogène; toujours très dense, jamais inaudible. Les mélodies ne cherchent pas à révolutionner les méthodes de la narration progressive, mais s’installent posément et sans difficulté dans les oreilles de l’auditeur, pour l’emmener dans un voyage aussi sereinement onirique et énergique que le bleu de l’iconographie est apaisant. Le vocal de Mario Millo adopte la même démarche. Il ne déchaînera pas les passions des amateurs de tessitures improbables, mais ne déplaira à personne, et accompagne efficacement l’orchestration tout en la laissant librement respirer. Si on fait l’effort de résister au sentiment d’easy listening, favorisé par une écoute distraite, on s’aperçoit que cet album a quelque chose d’étonnant : naviguant certes avec beaucoup de fluidité entre Space rock et vieux Prog’ (des effluves d’Hammond C3 rappelant de savoureux souvenirs), "Blueprint" surfe tout autant sur une vague pop progressive, plus moderniste dans ses méthodes (sonorités symphoniques, découpage des compositions assez tranché, accents blues-rock; notez que la formation, à ses débuts, a brièvement arboré le patronyme de Sebastian Hardie Blues Band).
Le cœur de l’album, avec la splendide ballade 'Art Of Life' suivie d’un 'I Remember' très aérien, est assez emblématique de ce savoir-faire fusionnant les époques et redéfinissant les correspondances entre fond et forme : vous y retrouverez la substance sonore du "Dark Side Of The Moon" de Pink Floyd, son esprit vaporeux, mais totalement débarrassés de la folie floydienne… Pour vous ouvrir au contraire un passage vers un rivage de bien-être.
Ceci étant, amateurs d’échappées de claviers endiablés et de phrasés de six cordes impétueuses, rassurez-vous, "Blueprint" ne vous a pas oubliés, et vous pourrez notamment vous rassasier avec 'Vuja De', un épique instrumental de plus de 8 minutes à la construction parfaitement maîtrisée, et 'Another String'.
Un très bel album, sans faute de goût, pour honorer ce come-back insoupçonné; et se clôturant par un 'Shame' de toute beauté (hé non, ce n’est pas une honte!). Comment, encore en train de lire ? Vous devriez déjà être parti pour l’acheter!