Il y a des jours comme ça, qui vous laissent de sales souvenirs, comme ce jour de 2010 où l'excitation et la joie de découvrir le nouvel album de Strangeways marqué par le retour de Terry Brock au chant, laissèrent rapidement la place à la déception et à l'incrédulité devant un opus sans dynamisme ni relief. Autant dire que nous étions un peu plus sur la réserve à l'heure de découvrir ce "Age Of Reason", d'autant que le combo écossais et son vocaliste US ont entre-temps quitté Frontiers, décidés qu'ils étaient à affirmer leur indépendance en produisant ce nouvel opus sur leur propre label. Il est vrai que Ian Stewart n'est pas reconnu pour sa souplesse de caractère, ni pour ses concessions aux sirènes et impératifs commerciaux. Pourtant, le retour de son frère David à la basse pour reformer le line-up légendaire du quintet, et le fait que Brock accepte de rester dans des conditions plus intimistes, ont tendance à prouver que Strangeways est à nouveau une formation soudée et sûre de ses forces.
Et autant dire sans détour que cela se ressent à l'écoute des 10 nouveaux titres de ce "Age Of Reason", intitulé ainsi malicieusement par Ian Stewart avec son humour typiquement britannique, les initiales formant le sigle A.O.R. En effet, si les tempi restent majoritairement calmes, l'ennui n'est pas au rendez-vous, ceci grâce à des refrains et à des mélodies plus accrocheurs, à l’image de la paire ouvrant cet album et constituée d’un "The Sentinel" qui n’est pas sans rappeler l’excellent "Where Are They Now" et d’un "Run" au refrain obsédant. La voix chaude de Terry Brock captive immédiatement alors que la guitare de Ian Stewart crée cette ambiance aérienne unique, marque de fabrique des Ecossais. Si la suite se fait plus douce, elle ne sombre pas dans la torpeur du précédent album : les ballades sont dotées de refrains poignants ("Playin’ It Over") alors que certains titres mélangent allègrement Aor et Pop pour un résultat à la naïveté rafraichissante ("End Of The Day").
En dehors du très aérien "Silver Moon" tout en émotion et en délicatesse, le reste garde toujours une certaine dynamique lui permettant ainsi d’éviter l’écueil sur lequel s’était échoué "Perfect World". Le rythme ne descend jamais en dessous du mid-tempo, le cinglant "Frozen" venant même nous sortir du confortable nuage dans lequel "Silver Moon" nous avait installé, pour nous rappeler que Strangeways est à l’origine un groupe de Hard mélodique. Porté par la basse toute en rondeur de David Stewart, certains titres insistent sur l’intégration de mélodies Pop-Rock pour un résultat des plus convaincant, dotés de refrains à l’émotion magnifiée par Terry Brock ("Call"), et de riff entrainants et accrocheurs ("Alive Again"). Dommage que dans cette catégorie, "As We Fall" se retrouve handicapé par un solo au son crade ne rendant pas hommage à l’ensemble du titre.
"Age Of Reason" va donc rassurer les amateurs de ce Lite-Aor, mélangeant Pop, Westcoast et Rock mélodique. Si Strangeways n’est pas revenu aux fondamentaux de sa période bénie, il ne renie pas non plus les éléments atmosphériques de la suite de sa carrière, réussissant à trouver un bel équilibre entre les différentes époques de son existence, et si "Age Of Reason" ne vous rendra pas épileptique à coup de riffs tranchants, il vous offrira tout de même un agréable moment fait de belles mélodies et d’émotions à fleur de peau. Après tout, les Ecossais ne sont pas des Celtes pour rien !