Comme son nom ne l’indique pas, Children in Paradise est un groupe « made in breizh », initié par l’ auteur/compositeur interprète Kathy Millot, Dam Kat pour les intimes, soutenue par le guitariste breton Gwalc’hmel. Le duo s’est entouré de musiciens … bretons, et notamment quelques pointures accompagnées de leurs instruments traditionnels (même si les Uilleann pipes sont à ma connaissance plutôt … irlandaises !). Et comme si tout cela ne suffisait pas, le groupe s’est adjoint la collaboration d’un certain Pat O’May, ou encore de la harpiste Clotilde Trouillaud. Tout ce joli monde nous présente son premier album, Esyllt, voulu comme une invitation au voyage dans un univers onirique et mélancolique.
Définir la musique de Children in Paradise en quelques mots relève de la gageure. Au vu du line-up et des instruments présents, l’auditeur s’attend à une avalanche de thèmes celtiques traditionnels, arrangés à la sauce rock. Et pourtant, point de tout cela dans les deux premiers titres au cours desquels la voix en or de Kathy Millot vient installer une ambiance sombre et mélancolique, sur des rythmiques lentes, bercées par des accompagnements classieux, le tout mis en valeur par une production aux petits oignons. L’envoûtement est immédiat, les frissons garantis. Et quand un petit solo de guitare vient déchirer l’atmosphère pesante de la « mort du roi Arthur », les frémissements commencent à descendre le long de l’échine.
C’est avec My Son que les premières mélodies de cornemuse irlandaise viennent embellir l’atmosphère. Et on ne dira jamais assez combien cet instrument se marie particulièrement bien au rock, qui plus est avec des voix féminines et des guitares. Troy Donockley en a fourni moult exemples au travers de ses diverses collaborations (faut-il rappeler ici les Iona, Mostly Autumn et autres Magenta ?), le clou est ici enfoncé par Loïc Béjean, interprète plein de sensibilité.
Pourtant, loin de se satisfaire de cette présentation d’un rock progressif somme toute très atmosphérique, Children in Paradise nous réserve quelques surprises, démontrant toute l’étendue de son patrimoine musical. C’est ainsi la deuxième partie de The Battle, qui envoie une douce folie envahir les écouteurs, la rythmique soudain accélérée partageant l’espace sonore avec des accords à la dissonance contrôlée, tandis que les guitares deviennent subitement plus agressives.
Ce sont ensuite les interventions de harpe de Clotilde Trouillaud, accompagnant la voix devenue mutine de Dam Kat (Silent Agony, avant un mariage étonnant avec des guitares saturées. Toujours dans le domaine de la surprise, Don’t Forget Me, aux couleurs pop/rock évidentes, qui rappelle la période Seeds of Love de Tears For Fears. Au fil des titres, le groupe réussit ainsi son pari initial : nous faire voyager aux quatre coins ( !) de la planète rock, tout en conservant une certaine unité de ton qui, loin de lasser l’auditeur, l’installe dans un univers bien particulier, offrant de multiples facettes chatoyantes et envoûtantes.
La réunion de musiciens confirmés ne produit pas toujours de grands albums. Avec Esyllt, Children in Paradise nous prouve le contraire. Cerise sur le gâteau, nos bretons parviennent de surcroît à synthétiser le melting-pot de leurs multiples influences, pour en extraire une musique incomparable, certes bourrée de références mais parvenant à être totalement originale. Une très belle réussite assurément, à découvrir au calme avec des écouteurs sur les oreilles.