La genèse du mouvement progressif s’est faite sur l’idée que les frontières entre les styles musicaux peuvent être abattues. Ainsi, associer les termes fusion et progressif tient plus du pléonasme que de la volonté d’être original. C’est pourtant le parti d’un jeune groupe italien qui a pour nom Profusion (contraction de prog et fusion) comme pour insister sur un glorieux atavisme. Discret auteur d’un album en 2006, Profusion va nécessairement faire parler de lui avec RewoTower, véritable offrande de rock progressif moderne.
Evitons les circonvolutions contextuelles et venons-en aux faits : de la première à la dernière seconde ce disque est une réussite totale. Il émane de RewoTower comme une évidence qui fait que les compositions s’écoutent et se réécoutent sans qu’aucune lassitude ne s’installe. Sans être un album conceptuel au sens strict du terme, certains morceaux sont séquencés en deux parties, de sorte à avoir onze titres homogènes en durée.
De la fusion des genres, les italiens retiennent la chaleur latine de "So Close But Alone", la puissance du métal dans "Chuta Chani" ou l’envoutement tribal avec "Tkeshi". Le groupe emprunte beaucoup au neo prog avec l’utilisation judicieuse des claviers ("Treasure Island") et son côté technique se révèle dans des parties instrumentales toujours justes ("The Tower Part 2"). Difficile de comparer Profusion avec un groupe connu tant la singularité est forte. En cela les italiens sont à rapprocher d'un groupe comme Enchant avec un spectre musical plus large. Le premier contact se fait via "Ghost House" un titre enlevé et très rentre-dedans, dans la veine d’un ACT, et la dernière chanson "Dedalus Falling" développe un morceau dont l’énergie puise dans le rock mélodique pas si éloigné des compatriotes de DGM. Entre ces deux extrémités la folk, la pop, le rock, le jazz et le métal, le tout bercé de symphonie, seront intelligemment abordés par RewoTower.
Le chanteur, qui possède un timbre relativement commun, arrive à faire passer des émotions dans chaque chanson, grâce notamment à des mélodies vocales travaillées. Sa prestation est une démonstration de classe et de sincérité qui touche forcément. A son image, les quatre autres musiciens à l’œuvre ne sont jamais dans la surenchère alors que leur capacité technique aurait pu les emporter dans plus de complexité. Un équilibre est trouvé dans tout ce qui fait que le rock progressif est un style musical si passionnant : sensibilité, technique, variété et mélodies.
Véritable coup de cœur de ce début d’année 2012, RewoTower est d’une fraicheur qui sied parfaitement à la saison. Tout dans cet album élégant semble avoir été pensé et calibré au millimètre tout en laissant une large place à ce supplément d'âme qui fait souvent défaut chez de nombreux groupes. Pour toutes ces raisons, RewoTower est clairement un très sérieux prétendant au titre de disque de l’année.