Après un roboratif "Crest Of The Knave" qui avait permis de faire oublier les errances électro de "Under Wraps", Jethro Tull nous revient deux ans plus tard avec "Rock Island" dont le titre nous rassure sur le caractère de l'album. Car "Rock Island" est bien un album de rock. Un rock tout ce qu'il y a de plus rock, classique, basique, à peine hard, mais surtout, et malheureusement, sans grande surprise.
Tout commence avec 'Kissing Willie' où l'on retrouve la voix ironique et nasillarde de Ian Anderson sur une mélodie enlevée, mais sans véritable attrait, sur laquelle flûte et guitare électrique viennent faire quelques incisions chirurgicales. S'il est certes plaisant de retrouver une flûte plus présente que sur les derniers albums, celle-ci ne renoue cependant pas avec son charme d'antan et ses volutes restent en périphérie des émotions qu'elle cherche à susciter. Autre déception, la voix de Ian Anderson n'a pas retrouvé le lustre du passé. Elle a perdu le timbre impersonnel du précédent album qui la faisait tant ressembler à un ersatz de Mark Knopfler, mais la puissance et le charisme ne sont pas totalement revenus pour autant.
Cette sensation de musique légèrement indigente et sans grande inspiration, de nonchalante décontraction, se retrouve sur la majorité des titres. Ceux-ci défilent alors monotonement dans une écoute sans déplaisir ni passion. 'Ears Of Tin', 'The Whaler's Dues' et 'Strange Avenues' parviennent à de brefs moments à tirer l'auditeur de sa somnolence, le premier au son d'un folk doux sachant faire montre de distinction et de finesse, les deux autres par des mélodies alambiquées rappelant, toutes proportions gardées, le délicieux "Aqualung", mais ce ne sont que brefs feux de paille bien vite éteints.
Un album en demi-teinte, qui ne démérite pas vraiment, mais trop neutre pour susciter un quelconque engouement. Jethro Tull a fait tellement mieux par le passé qu'il n'est pas conseillé à ceux qui voudraient découvrir ce grand groupe de commencer par cet album. Ceux qui le connaissent déjà ne crieront sans doute ni au génie, ni à l'imposture.